Editorial

Dialogues de sourds

Alors que revient une fois de plus sur le métier des réformes des lois de décentralisation, les voix, de tous côtés, d’élèvent, ici pour critiquer, là pour adouber, ailleurs pour poser des conditions ou encore chercher à être légitimement rassuré.




Dialogues de sourds
Pourtant, ni le chef de l’Etat, ni son entourage, ni le parti majoritaire n’avaient fait mystère de cette perspective qui désormais se rapproche pour devenir une réalité.
Parallèlement, nombreux sont les élus de tous bords politiques, de toutes tendances, nombreux sont également les juristes et experts, nombreuses enfin étaient les personnalités qui, tous ensemble, ont contribué, par leur savoir, leur expérience, leurs convictions, à l’élaboration du rapport final remis au Président.
Pourquoi dès lors se déchainent tant de passions depuis lundi dernier alors que Nicolas Sarkozy, depuis Saint-Dizier, a tracé la voie de cette nécessaire évolution institutionnelle ?
Simplement, en tous cas en apparence, parce qu’il s’agit d’un dialogue de sourds. Car toutes les parties concernées ne partagent ni le même objectif, ni les mêmes vues.

Ce que veulent les élus locaux ? Les maires, conseillers généraux et régionaux ? Ne rien perdre de leurs prérogatives et de leurs pouvoirs, ne pas disparaître du « millefeuille » créé il ya un quart de siècle. Au sein de l’Union et même au-là, notre pays est l’unique qui compte autant d’échelons administratifs ! Qui plus est, les compétences et moyens ont toujours manqué de clarification de la part de l’Etat régalien. En d’autres termes, les maires veulent rester maires, les conseillers généraux demeurer conseillers généraux et de la même manière les conseillers régionaux ne pas disparaître au nom d’une nécessaire simplification.
Il y a aussi que l’Europe est passe par là. Depuis Maastricht, et son traité indigeste de 1992, instituant notamment le principe de subsidiarité, tous les autres Etats membres de l’Union en usent et parfois en abusent. Et nous serions les seuls à ne pas profiter de la manne de Bruxelles ? Alors que nous y contribuons si largement ? La France a-t-elle réellement besoin – sur le terrain du droit administratif notamment – de tant de maires, conseillers généraux et régionaux ? Assurément non !
En outre, plus ils sont nombreux et plus cela coûte à la collectivité et à l’Etat. Et, parallèlement, moins ces élus ne perçoivent, en valeur absolue, d’indemnités dignes de ce nom !
Enfin, plus ils sont nombreux et plus s’organise la « cacophonie » lors concertations locales.
La solution n’est-elle pas de mieux indemniser moins de professionnels de la politique ? Ceci au sens noble du terme, pour une efficacité retrouvée. Mais aussi pour aller dans le sens d’une diminution des prélèvements ? La question est posée. En revanche, personne, de manière étrange, n’y apporte de réponse. Est-ce donc une question qui dérange tant ? La crainte de ne plus être les « notables d’avant » n’y est sans doute pas étrangère !

Ce que veulent les citoyens et contribuables locaux ? La réponse est simple : des services publics, si possible gratuits ou peu onéreux, des relations de proximité pour apporter des solutions aux problèmes auxquels ils peuvent être confrontés, conserver leur identité locale et leur sentiment d’appartenance à ces lieux souvent chargés d’histoire. Mais à l’heure où vous lirez ces lignes, tous aurez reçu vos « impôts locaux » à savoir taxe d’habitation pour tous et taxe foncière pour certains, constatant, d’une manière générale, non pas une inflation mais un vrai « tsunami fiscal local » que maladroitement souvent les élus justifient par les transferts de compétences qui ne sont pas accompagnés des moyens nécessaire correspondants, de la perspective de la suppression de la taxe professionnelle que rien ne vient compenser suffisamment, de la baisse significative des rentrées fiscales de la collectivité alors que les charges, elles, explosent. Que les élus, à chaque échelon, ne se fassent aucune illusion : ce que veulent les citoyens et contribuables locaux c’est payer moins d’impôts, locaux notamment, et avoir plus de services publics, quitte à les financer en propre ou par le biais de l’emprunt, dans le pire des cas, par des subventions d’Etat ou européenne, au mieux. Alors les histoires médiatiquement entretenues contre la réforme, ils n’en ont que faire. Et ils ont bien raison. La seule chose qu’ils constatent c’est que d’avoir confié la gestion locale de leur collectivité à l’opposition le coûte cher, très cher et qu’au surplus, souvent, les élus en question sont les pires cumulards qui soient ! D’ailleurs, notre confrère, Le Monde, dans s a version en ligne, a recensé ces personnalités qui se soustraient à cette obligation, non encore vraiment inscrite dans la loi, de non-cumul des mandats. Edifiant ! Et instructif …

Ce que veut l’exécutif ? Là, la réponse est simple : faire des économies ! Car outre les dimes et gabelles versées par chacun d’entre nous, l’Etat ne cesse de mettre la main à la poche pour soutenir à bout de bras le fameux « millefeuille ». L’Etat en a également assez, dans sa logique de modernisation bien entamée, que les réunions, consultations, négociations, concertations avec les strates du « millefeuille » occupent tant d’agents de la fonction publique d’Etat ! Avant de lutter contre la pandémie, non encore déclarée, de la grippe A, il est normal qu’il lutte contre celle, installée, de la « réunionite » !

On le voit bien : objectifs et pensées divergent. Chacun a sa foi et sa croix. En revanche, la logique et la raison doivent l’emporter face à la crise « Clochemerle » anti-sarkosyste relayée un peu partout. Comme si l’on avait pris, les uns et les autres, en traîtres. Cette réforme et nécessaire. D’ailleurs les élus locaux ont été les premiers à la réclamer depuis déjà plus d’une décennie. La seule et vraie question qu’il faut se poser désormais est de savoir si nos institutions de la Vème République, datant de 1958, sont faites pour s’adapter à ce nouveau paysage. Et c’est dans cette perspective là, seulement, que pourrait se justifier un référendum…

Jeudi 22 Octobre 2009
BM