« Quand les consommateurs veulent du poisson durable, il existe deux options pour répondre à cette demande : la pêche peut devenir plus durable ou la définition de durable peut être édulcorée jusqu’à devenir pratiquement dénuée de sens. Avec le label MSC, c’est la seconde option qui a été maintes fois choisie » déclare Jennifer Jacquet, professeur adjoint à l'Université de New York et l'un des onze auteurs de l'étude parue dans la revue Biological Conservation.
L'étude peut être lue ici: http://bit.ly/ZFKU5Y
La triple expansion de la pêche – plus loin, plus profond, à la recherche de nouvelles espèces – a conduit à l'appauvrissement de nombreuses populations de poissons marins. En réponse, de nombreuses initiatives de marché visant les consommateurs et comprenant « l'éco-labellisation » ont vu le jour de façon à modifier la demande. La création en 1997 du Marine Stewardship Council (MSC), basé à Londres, en a fait partie. Le MSC est à l’origine un projet conjoint entre le World Wildlife Fund et Unilever, pensé comme un outil de conservation ayant pour but de fournir aux consommateurs « le meilleur choix environnemental en produits de la mer » et de créer des incitations positives qui permettraient d'améliorer le statut et la gestion des pêches.
Cependant, des ONG ont formulé leurs préoccupations quant au processus de certification MSC, remettant en question les prétentions du label d’avoir un programme d'étiquetage écologique offrant « le meilleur choix environnemental en produits de la mer ». Son processus de certification est financé par la pêcherie qui cherche à être labellisée, avec des tarifs qui dépendent de la taille et de la complexité de la pêcherie. Le MSC estime que la plupart des certifications coûtent entre 15 000 et 120 000 US$. Depuis sa création, le MSC a certifié plus de 170 pêcheries, avec des clients dépensant entre 2,3 et 18,7 millions de dollars pour obtenir la certification.
Pour évaluer la viabilité du programme de labellisation MSC, les chercheurs ont examiné 19 objections formelles, principalement formulées par des ONG, à propos des certifications accordées par le MSC aux pêcheries de légine australe, de krill antarctique et d’autres encore. Ces pêcheries correspondent, en poids, à un tiers de toutes les pêcheries certifiées par le MSC. Les objections sont évaluées par un arbitre indépendant désigné par le MSC. Or dans 18 cas sur 19, la certification MSC a été maintenue.
Dans l'analyse publiée dans Conservation Biology, les chercheurs ont tenté de déterminer si ces pêcheries répondaient effectivement aux principes établis par le MSC permettant d’accéder à la certification. Le MSC utilise trois grands principes que les certificateurs tiers interprètent pour déterminer si la pêche est « durable » et peut être labellisée MSC. Ces trois principes sont la durabilité des stocks ciblés, un impact faible des pêches sur l'écosystème et une gestion efficace. Les chercheurs ont établi que nombre de ces pêcheries, représentant 35% des produits de la mer éco-labellisés, ne répondaient pas aux normes du MSC.
Par exemple, la pêche à la palangre ciblant l'espadon au Canada viole manifestement le principe concernant les « faibles impacts sur l'écosystème ». Cette pêche a des niveaux élevés de prises accidentelles. La capture de 20 000 espadons par an génère la capture de 100 000 requins ainsi que 1200 tortues caouannes menacées et 170 tortues luth en voie de disparition.
« La définition de la durabilité du MSC est totalement déphasée par rapport à la perception du grand public de ce que signifie ce terme » observe Claire Christian, l'un des co-auteurs de l’étude, analyste politique auprès de la « Antarctic and Southern Ocean Coalition ». « Lorsque le MSC labellise « durable » une pêche à l'espadon qui capture plus de requins que d'espadons, il est temps de réévaluer les normes. »
La pêcherie de colin d'Alaska, l'une des plus importantes aux États-Unis, a également reçu la certification MSC, même si plusieurs décisions de justice avaient jugé que cette pêche n'était pas en conformité avec la législation nationale, une indication qu'elle ne répondait pas au principe du MSC de « gestion efficace ».
Les auteurs concluent que le MSC doit appliquer les principes qu'il a créés pour les pêcheries certifiées. Dans le cas contraire, les consommateurs croient acheter « le meilleur choix environnemental » en produits de la mer, alors qu’il existe une forte chance qu’ils ne le soient pas.
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