"S'il est nécessaire, je ferai appel à l'ensemble des moyens disponibles, la réquisition fait partie de cette panoplie. Elle a déjà existé, elle a été mise en œuvre notamment lorsque Jacques Chirac était président de la République parce que la crise était particulièrement difficile, chacun s'en souvient", a-t-elle déclaré lors d'un point-presse au ministère du Logement. "Elle peut faire partie des dispositions à mettre en œuvre", a insisté la ministre qui s'est dite "extrêmement convaincue de la gravité de la situation".
Evoquant "des bâtiments vides depuis des années et qui ne servent à rien, quand des gens, des familles, sont à la rue", Cécile Duflot estime "qu'aucun moyen ne doit être négligé", sans toutefois préciser le calendrier ou les méthodes de mise en œuvre de mesures de réquisition. La possibilité de réquisition de logements vacants est prévue dans une ordonnance du 11 octobre 1945 promulguée pour lutter contre la crise du logement. Elle a été abondamment employée jusque dans les années 60, au cours desquelles plus de 100.000 arrêtés de réquisitions ont été pris, peut-on lire sur le site de l'association Droit au Logement (Dal).
Mais la dernière vague de réquisitions date de 1995/96, après l'occupation emblématique d'un immeuble rue du Dragon, dans le centre de Paris. Le gouvernement avait réquisitionné environ 1.000 logements dans la capitale, appartenant à des banques et des compagnies d'assurance, toujours selon le Dal. Depuis, la procédure n'a plus eu les faveurs de l'exécutif, le Dal déplorant s'être retrouvé ces dernières années "face à un mur", a déclaré samedi le porte-parole de l'association Jean-Baptiste Eyraud, à l'issue d'une rencontre avec la ministre. La ministre "nous a dit qu'elle était favorable à l'application de la loi de réquisition et qu'elle y travaillait", a confirmé M. Eyraud, y voyant "un peu d'espoir" même si la nouvelle vient "un peu tard car l'hiver arrive".
Les associations demandent de passer des paroles aux actes
Samedi après-midi, quelque 200 personnes, dont l'actrice Josiane Balasko, avaient manifesté dans Paris pour appeler le gouvernement à lancer en urgence un plan de mobilisation et de réquisition de 100.000 logements vacants. Le Dal, citant des chiffres de l'Insee, évalue à 2,39 millions le nombre de logements et locaux vacants en 2011 en France. Les réquisitions ne sont qu'une réponse à la crise du logement dans un dispositif plus vaste, a précisé Cécile Duflot, rappelant l'annonce fin septembre d'un plan de 50 millions d'euros pour les sans-abris. Elle a également indiqué samedi avoir "lancé un appel à tous (ses) collègues pour que tous les biens de l'Etat vacants aujourd'hui puissent être mis à disposition", citant à cet égard des "anciens bâtiments de bureaux, anciennes casernes, hôpitaux qui ne servent pas".
Le collectif Jeudi Noir, qui "se félicite de cette prise de conscience automnale du gouvernement", rappelle que Christine Boutin et Benoist Apparu, deux anciens ministres du Logement, "avaient eux aussi fait mine de s'interroger sur la réquisition, sans jamais la mettre en œuvre. Nous attendons donc que le gouvernement dépasse le stade des belles déclarations", ajoute le collectif. Jeudi Noir s'inquiète que Mme Duflot ait précisé que l'Etat réquisitionnera "si nécessaire". "En est-on encore à se demander s'il est nécessaire de mobiliser des logements supplémentaires ?", s'étonne le collectif, estimant que la réquisition de locaux "est une pièce maîtresse pour mobiliser les 2,3 millions de logements vides recensés par l'Insee en 2011". Les militants regrettent aussi que la ministre, qui a déclaré qu'il fallait taxer les bureaux vides, "ne bouge pas le petit doigt quand des députés qui proposent cette mesure sont mis en minorité lors de l'examen du proj et de loi de finances le 19 octobre 2012".
Le gouvernement a diffusé cette semaine une circulaire pour que les bénéficiaires prioritaires Dalo (Droit au logement opposable) ne soient plus expulsés sans solution de relogement. Depuis quelques semaines, les associations constatent une augmentation des demandes d'hébergement d'urgence. A Paris, 400 appels sur les 1.200 que reçoit le Samu social chaque soir, restent sans solution. Avec l'arrivée de températures hivernales samedi, ce constat vaut pour plusieurs villes de France.