Le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales mis en place depuis 1993, est coûteux, "incontrôlé" et manque d'évaluation quant à ses effets sur l'emploi, ce qui mérite qu'on s'interroge sur sa pérennité, critique la Cour des comptes dans un rapport.
Ce rapport, non publié, révélé par Les Echos la semaine dernière et transmis lundi 28 août, est destiné à la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
Passant en revue la politique d'allègements de charges depuis 1993, le document critique la multiplication des mesures d'exonérations. Qu'elles aient été compensées ou non par l'Etat, leur montant est passé de 3 milliards d'euros en 1993, à 19,8 milliards en 2005. Elles représentent aujourd'hui "26% des dépenses publiques pour l'emploi".
"Ainsi depuis le 1er janvier 2005, 36 mesures nouvelles ont été envisagées, dont 17 sans même que le ministère en charge de la Sécurité sociale en soit informé (...) ou bien à un stade très tardif", souligne la Cour. "Ces diverses mesures" ont été "présentées sans la moindre évaluation ou analyse d'impact", regrette-t-elle. Selon la Cour, il s'agit d"'un dispositif incontrôlé", au coût aujourd'hui "très élevé" et à "l'efficacité quantitative (...) trop incertaine pour qu'on ne s'interroge pas sur la pérennité et l'ampleur du dispositif".
Celle-ci relève notamment qu'il y a "à la fois inflation de propositions et absence de maîtrise de la décision conduisant à la création de mesures nouvelles".
La Cour des comptes s'intéresse aussi bien aux exonérations générales portant sur les bas salaires et à partir de 1996 liées à la RTT, qu'aux exonérations qui accompagnent les dispositifs ciblés de la politique de l'emploi et aux exonérations territoriales sur certaines zones géographiques bien précises.
"L'équité du financement de la Sécurité sociale" pose problème, pour la Cour, qui s'alarme de "la multiplication des mesures non compensées" par l'Etat, créant "un risque important de perte de recettes" pour la Sécurité sociale.
Si elle admet "une certaine efficacité en termes d'augmentation nette d'emplois peu qualifiés", elle constate en revanche que "contrairement à l'un des buts visés par la politique de baisse du coût du travail sur les bas salaires engagée en 1993, les industries manufacturières directement exposées à la compétition internationale et au risque de délocalisation ont peu bénéficié des exonérations".
"A l'inverse, les principaux secteurs bénéficiaires ne sont pas exposés à la compétition mondiale et moins encore au risque de délocalisation" (construction, commerce de détail, hôtels-restaurants), note la Cour.
"La Cour plaide pour une réduction du nombre" de dispositifs d'exonérations ciblés et "une stabilisation sur les formules les plus efficaces au regard de l'insertion dans l'emploi durable".