T comme... Touquet !
Dans cette exposition photographique colorée et vivante - un paradoxe amusant quand on sait que les principaux protagonistes sont des mannequins de vitrine -, entre esthétique néo-vintage et ultra contemporanéité, la photographe Eliz Dream réinterprète de manière décalée l'emblème de la ville du Touquet Paris-Plage : un personnage portant un sac de golf. Les scènes imaginées et photographiées par l'artiste ont pour décors divers lieux emblématiques du Touquet Paris-Plage, comme la plage et ses cabines colorées, le Grand Hôtel Westminster, le Golf, la rue St Jean et ses commerces... Chaque image raconte une histoire optimiste, presque hors du temps. A sa manière, Eliz Dream rend ainsi un hommage volontairement idéalisé à une ville qui célèbre cette année son Centenaire et qu'elle connaît bien pour y avoir passé de nombreux moments de son enfance. C'est ici qu'elle a construit ses premiers châteaux de sable et contemplé ses premiers couchers de soleil. C'est ici aussi qu'elle a commencé à rêver à ses premiers clichés de photographe... qu'elle réalise finalement 20 ans plus tard !
T comme... Temps
L'artiste ne cherche pas ici à représenter avec exactitude l'histoire du Touquet Paris-Plage ou à reproduire fidèlement ses souvenirs d'enfance, du temps où elle jouait encore à la poupée. Elle réinvente ces « instants T » au gré de son inspiration, superposant des références à l'histoire de la ville à des clichés issus d'un Age d'Or fantasmé par l'artiste.
Aujourd'hui, Eliz n'a rien perdu de sa candeur originelle, mais ses poupées sont désormais grandeur nature et son bac à sable est à la dimension d'une ville. Ses mannequins se baladent librement dans le Touquet d'aujourd'hui, au gré de ses rencontres : du Chat Bleu, la célèbre confiserie-chocolaterie du Touquet, à la piscine de l'Hôtel Westminster pour une petite baignade dans un décor raffiné et dont la fresque évoque les années Folles, en passant par la plage, pour une partie de pêche à la crevette - activité pratiquée depuis très longtemps au Touquet, ici par une « sautrière » un tantinet plus poseuse ! Un peu plus loin, Eliz nous embarque au septième ciel, aux côtés d'un aviateur chevronné. En arrière-plan des sacs de golf équipés de parachutes évoquent avec un émoi feutré la guerre qui a touché la ville et détruit une majeur partie de son front de mer...
C'est donc un aller-retour complexe qui se joue ici, entre passé(s) et présent(s), entre nostalgie d'un Age d'Or révolu et fantasme d'un passé idéalisé, où la linéarité du temps est abolie, ou plutôt revue, corrigée et mise au goût du jour. La composition-même des œuvres photographiques participe de ce va-et-vient temporel. La photographe leur applique un effet vintage coloré et contemporain, tel un film recolorisé. Cette superposition de temps est également induite par la mise en scène des mannequins de vitrine utilisés par l'artiste. Figés dans leur expression, dans l'espace et dans le temps. Une étrange impression d'arrêt-sur-image envahit immanquablement le spectateur, à la vue de ces instants de vie et de bonheur simples et fugaces qu'on aimerait voir s'éterniser.
T comme... Tendance
Les mannequins mis en situation par Eliz Dream évoquent les poupées de notre enfance, que la photographe, férue de mode et de décoration, s'amuse à habiller et à mettre en situation, dans ce grand studio à ciel ouvert qu'elle a su créer au Touquet Paris-Plage. Le travail artistique présenté à la Galerie Wagner fait fortement écho avec son travail habituel de studio. Faisant directement référence au monde de la mode, à ses codes et à ses « clichés », Eliz Dream introduit ici un décalage dans l'objet même de son travail. Il s'agit avant tout de raconter quelque chose d'elle-même et donc de nous, puisant dans l'intimité de son enfance et de ses rêves, nous donnant une vision critique sur ce qu'est la définition du bonheur, tel que la société de consommation et la publicité voudraient nous l'imposer : celui d'un monde lisse, sublimé, heureux, coloré, sans fausse note. Sa démarche n'est pas sans rappeler celle du photographe Bernard Faucon pour ce qui est de l'utilisation de mannequins de vitrine, ou dans un autre registre, celle des œuvres de David Lachapelle, à la fois néo-pop, ultra colorées, à la limite du kitsch et bien évidemment furieusement tendance !
T comme... Tee ?
Fil rouge de cette série photographique, le sac de golf, symbole de la ville du Touquet Paris-Plage, apparaît dans chaque lieu emblématique aux côtés des personnages, jouant un second rôle mais omniprésent dans toutes les scènes. Le tee de golf, petit accessoire servant à soutenir la balle de golf pour la frapper, pourrait être le déclencheur de l'appareil d'Eliz Dream, qui réalise un véritable parcours de golf photographique... à 24 trous bien sûr !
Des illustrations (une plante, des drapeaux, des bonbons...) ont été ajoutées numériquement sur les œuvres par la photographe, donnant au sac de golf une fonction plus spécifique et une dimension plus ludique.
A chaque étape, un instant de complicité et d'interaction entre les photographies et le spectateur se dessine, permettant de mieux (re)découvrir Le Touquet Paris-Plage dans sa diversité, à travers les lieux ainsi que les personnages représentés. La photographe a d'ailleurs tenu, avec la complicité de Florence Wagner, commissaire de l'exposition, à faire participer des boutiques de la ville, qui ont accepté de lui fournir tenues et accessoires pour ses mises en scènes décalées, dans une démarche que la photographe a voulue collective et « familiale ».