Cependant, l’histoire de ce petit pays de 10 millions d’habitants est celle d’un mariage forcé entre deux esprits nationalistes différents qui ne peuvent se supporter. Aujourd’hui, trois mois après une élection générale, la Belgique n’a pas réussi à créer un gouvernement, engendrant une crise interne si profonde qu’elle a mené à une avalanche d’avertissements, prédictions ou même promesses au sujet de la disparition du pays lui-même.
Filip Dewinter, leader du Vlaams Belang, bloc flamand d’extrême droite teinté de xénophobie a déclaré lors d’un interview "Nous sommes deux nations différentes, un état artificiel créé pour servir de tampon entre de grandespuissances, et nous n’avons rien en commun à part un roi, le chocolat et la bière. C’est l’heure du ‘bye-bye, Belgique’".
Les flamands radicaux, comme M Dewinter, veulent couper le pays horizontalement en suivant les frontières ethniques et linguistiques : au nord, leurs Flandres bien-aimées – où se parle le hollandais, appelé flamand localement, et à l’économie en plein essor et florissante – et au sud, la Wallonie parlant français, où une sorte de noblesse provinciale a reçu la patine du temps et où aujourd’hui des industries vieillissantes dominent un paysage aux tons gris.
Caroline Sägesser, analyste politique de Crisp, organisation bruxelloise de recherche socio-politique, déclare "Les deux extrêmes existent, certains crient que la Belgique durera éternellement, d’autres prétendent que nous sommes au bord du précipice. Je ne pense pas que la Belgique soit prête à la sécession dans l’immédiat. Mais avant ma mort ? Je serais surprise de mourir en Belgique".
Depuis la création du royaume de Belgique comme obstacle à l’expansionnisme français en 1830, la lutte pour la cohésion n’a jamais cessé. Qui que ce soit (et l’auteur en fait partie) ayant jamais parlé français dans une ville flamande se rend rapidement compte du sentiment de mutuelle hostilité qui hante la vie quotidienne. La crise actuelle dure depuis le 10 juin, quand les démocrates chrétien flamands, qui réclament une plus grande autonomie des Flandres, entrèrent au parlement pour la première fois avec un cinquième des sièges.
Yves Leterme, le leader de ce parti, serait devenu Premier ministre s’il avait réussi à rassembler un gouvernement de coalition.
Mais il a été récusé par les francophones en raison de son mépris pour ceux-ci – une étrangeté pour le fils d’un francophone. Il a achevé de se les mettre à dos – ainsi que quelques leaders flamands plus modérés – le jour de la fête nationale Belge en juillet en se montrant incapable de chanter son hymne national.
Albert II, le roi des Belges, âgé de 73 ans, s’est efforcé de jouer le médiateur, en dépit du fait que selon la constitution il n’a d’autre pouvoir que celui de nommer les ministres et d’entériner les lois votées au parlement. Il a accueilli une succession de politiciens et d’anciens hommes d’état au palais du Belvédère à Bruxelles, nommant quatre leaders politiques successifs pour résoudre la crise. Tous ont échoué.
Une façade de normalité règne pourtant dans ce pays gouverné par une constellation d’administrations régionales. Les trains sont à l’heure, le courrier est distribué, les ordures sont ramassées et la police maintient l’ordre.
Les membres du précédent gouvernement, y compris l’ancien Premier ministre Guy Verhhofstadt, un flamand – se présentent au travail chaque jour et continuent à être payés. L’ex-gouvernement est autorisé à payer les factures, mettre en œuvre les décisions politiques déjà votées et prendre des décisions urgentes concernant la paix et la sécurité.
Par exemple, plus tôt dans ce mois, le Conseil des ministres a approuvé le déploiement de 80 à 100 soldats de la pais au Tchad et une extension de six mois pour 400 autres en poste au Liban sous les couleurs de l’ONU.
Mais il faudra quand même qu’un nouveau gouvernement vote le budget de l’an prochain.
La présence du quartier général de l’OTAN et de l’Union Européenne sur Bruxelles pourrait encourager d’autres mouvements séparatistes, comme les Basques, les Lombards et le Catalans, portant la crise actuelle au-delà des seules frontières belges.
Il y a pourtant de solides raisons qui laissent penser que la Belgique va rester unie, au moins à court terme.
La capitale, Bruxelles, incroyablement francophone, est située dans les Flandres. Sa transformation en une capitale d’une nation flamande rencontrerait certainement une résistance aussi bien locale qu’internationale.
Les économies des deux régions sont inextricablement entrelacées, et une séparation provoquerait un cauchemar fiscal.
En outre, il reste le problème de la dette nationale et de la façon de la répartir équitablement.
Il reste que les Flandres nourrissent un ressentiment profond envers la Wallonie du fait que son économie bien plus forte doit subventionner celle-ci où le chômage est le double de celui de Flandres.