Mercredi, le 4 juillet, alors que le jour était férié outre-Atlantique, trois instituts de conjoncture (l'Insee en France, l'Ifo en Allemagne et l'Istat en Italie) ont prédit un recul du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro aux second et troisième trimestres. Ni plus moins, c’est la définition d’une récession technique !
A peine 24 heures plus tard, l'Espagne s’est vue contrainte à consentir à nouveau des taux en hausse pour lever des fonds à dix ans. La nervosité sur les marchés était plus que visible mais surtout, à peine une semaine après « les effets positifs » du sommet européen, notamment sur le marché obligataire, tout semble s’être déjà dissipé.
Les décideurs au sein de la BCE n’ont rien fait d’autre que de profiter d’un temporaire relâchement des pressions inflationnistes pour justifier ce geste symbolique de baisse des taux. Précisons au passage que la BCE a profité de l’occasion pour abaisser également d'un quart de point ses deux autres taux directeurs : le taux de dépôt au jour le jour est désormais à 0% (n’est-ce pas là déjà un signe de dépression ?) contre 0,25% précédemment et son taux de prêt marginal est passé à 1,50% contre 1,75% auparavant. Ce n’’est plus un aveu de faiblesse mais un vrai constat d’échec !
Cette « mesurette » est insuffisante sans de massifs rachats d’actifs
Selon les économistes, il faudrait que cette mesure s’accompagne d’une intervention de la BCE sur le marché obligataire secondaire : en bref qu’il y ait une reprise de ses achats de dette publique, pour tenter de calmer le jeu. Il est clair que le différentiel de taux n’est pas de nature à modifier les tendances de fond et qu’il faut rapidement agir sur les flux comme la’a, à sa manière, souligné la directrice générale du Fonds monétaire internationale (FMI), Madame Christine Lagarde, ayant déclaré sur une chaîne de TV américaine que "si l'on cherche une vraie solution, l'expansion du programme de rachat de dette publique est le chemin à suivre".
Jeudi dernier, la Banque d'Angleterre a annoncé l'injection de 50 milliards de livres soit 62,2 milliards d'euros dans l'économie britannique ! Toutefois, nul ne se risque à prendre le pari que Mario Draghi annoncera la relance d’un programme de rachats d'obligations publiques, comme celui arrêté mi-février dernier. Soyons clairs, soyons nets : tous ces termes techniques et cet emballage technocratique est fait pour dissimuler ce qui fait l'objet de vives critiques, notamment de la Banque centrale allemande, car les actions entreprises ne servent à rien d’autre qu’à financer les Etats, justement ce qu’interdisent à la BCE les traités en vigueur.
Certes, le principal taux directeur de la Banque centrale européenne reste l'outil de prédilection pour influer sur l'octroi de crédits et surtout pour contrôler l'inflation. Pour autant, jamais la BCE n'était allé aussi loin, jamais elle n’avait fixé son taux directeur aussi bas !
Or ce taux directeur sert à quelque chose : l’instrument est en effet utilisé en particulier lors des opérations de refinancement, par la BCE, pour alimenter les banques en liquidités. Il est donc, de fait, le baromètre du coût du crédit dans les 17 pays de la zone euro.
Le père Noël est passé pour les banques car si elles veulent se refinancer à court terme, elles peuvent le faire à des conditions exceptionnelles, en payant un intérêt dès lors très modeste sur les montants empruntés auprès des banques centrales de leurs pays respectifs et qui pratiquent des conditions corrélées au taux en cours à la BCE. On verra si les banques répercutent bien, ensuite, ce loyer sur les intérêts des crédits qu'elles accordent à leurs propres clients. Car plus le taux de la BCE est bas et plus le coût du crédit devrait être bon marché, favorisant ainsi, en théorie, la croissance.
En revanche, s’il devait y avoir une hausse du taux du crédit, cela aurait pour effet mécanique de ralentir la demande, juste de quoi éviter une légère surchauffe pouvant être source d'inflation.
Sur ce terrain, l’horizon est clair : les prévisions d'inflation sur le moyen terme sont à la baisse et l'économie en zone euro, menacée de récession, a réellement plus que jamais besoin de soutien. C'est ce qu’a tenté de faire la BCE avec ses moyens et ses outils. Mais, encore une fois, ce ne sera pas suffisant.