Un an après son départ d'Argentine, Suez Environnement quitte la Bolivie
Officieusement c'est là l'épilogue de près de trente mois de conflit que Suez et la Bolivie, via de chers intermédiaires, ont préféré régler à l'amiable. Oui, à l’amiable aussi étonnant que cela puisse paraître car, dit on au siège de Suez, cet accord conventionnel évitait ainsi les lourds contentieux qui aujourd’hui opposent le groupe français aux autorités argentines.
Car, en effet, le premier cauchemar fut Aguas Argentinas, la filiale à Buenos Aeres dont Suez était chef de file avec à ses cotés d’autres acteurs industriels français mais aussi le FMI et la Banque Mondiale, le tout pour créer le plus grand réseau de traitement des eaux usées d’Amérique latine.
Etrangement, de l’équipe de mercenaires envoyés là-bas par le staff actuellement encore en poste rue de la Ville l’Evêque, il ne reste plus rien ni personne ; retraites anticipées, départs, démissions, … bref les témoins et acteurs de certains faits reprochés ne sont plus là pour témoigner. Etrange …
Mais revenons à La Paz. Pendant six mois, la gestion de l'eau sera donc assurée par un Fonds national de développement régional de 5,5 millions de dollars, alimenté par l'Union européenne et le Venezuela d'Hugo Chavez, qui cherche depuis un an à entraîner la Bolivie dans sa "révolution bolivarienne". Et dans les cinq prochaines années, 35 millions de dollars seront nécessaires à la nouvelle société publique ainsi créée.
Depuis 1997 à travers Aguas del Illimani (AISA), Suez Environnement était implanté là-bas dans cette structure dont elle détenait 56 % du capital aux côtés d'investisseurs boliviens et argentins ainsi que de la Banque mondiale (7,58 %).
Mais las, les relations de sa filiale avec les autorités et (surtout ?) les habitants se sont dégradées à partir de 2003. Les uns invoquent les tensions politiques, d’autres les manifestations populaires qui auraient redoublé. Plus concrètement, le coût assumé par les consommateurs latino-américains était tout simplement insupportable car grevé et obéré de tant de « surprimes » !
Il y a tout juste deux ans, en janvier 2005, la très puissante Fédération des associations de voisins d'El Alto (Fejuve) avait obtenu, après un bras de fer homérique, du président de la République de l'époque, Carlos Mesa, la résiliation du contrat de Suez Environnement. Raison invoquée par le président révolutionnaire bolivien: « la lutte du peuple d'El Alto et d'autres forces sociales n'aura pas été vaine ».
Des prix trop élevés
Autre point de discorde, il jugeait également le prix de connexions beaucoup trop élevé et dénonçait en outre la fixation des tarifs de l'eau en dollars.
Les chiffres sont là, cruels pour le fleuron français des services aux collectivités : en neuf ans, explique une porte- parole du groupe, 113 108 personnes ont été raccordées au réseau d'eau potable et 81 779 au système d'assainissement dans la capitale et sa banlieue pour un investissement de 66 millions de dollars. Or, dans le périmètre du contrat, si celui-ci a été respecté à 100 % pour l'eau potable, en revanche, il n’a atteint respectivement que 92 % et 63 % pour l'assainissement à La Paz et El Alto.
Autre objet de litige : le prix de l'eau. Celui-ci, fixé par les autorités, y serait "le plus bas de toutes les grandes villes du pays", notamment Santa Cruz et Cochabamba, dont l'opérateur est pourtant public, note-t-on chez Suez, comme si cette découverte était récente.
Un tournant stratégique
Si pour Aguas Argentinas il y a sans doute prescription sur bien des points, Suez pourrait cependant se voir être rattrapé par un certain nombre d’ « affaires » plutôt gênantes surtout à un moment clé où le groupe est opéable d’une part et que pour s’en protéger il entend toujours conduire à terme sa fusion avec Gaz de France …