Il regrette que les "voies et séries soient hiérarchisées. Dans la voie générale, l’admission en série S est considérée comme un brevet de réussite et de qualité; l’admission en série ES comme convenable; le plus souvent l’admission en L est destinée aux lycéens, ou plutôt aux lycéennes, qui peuvent certes demeurer dans la voie générale mais sans être appelés à briller particulièrement. (…) La série L est trop souvent considérée aujourd’hui comme une orientation par dépit où se retrouvent celles et ceux qui n’ont été acceptés ni en S ni en ES".
Délaissée par les meilleurs lycéens
Les élèves sont en réalité mal orientés, estime le patron de Science-po. L’orientation se fait aujourd’hui "massivement par défaut, à l’aune du seul bulletin scolaire et masque souvent une simple sélection. Il en résulte une hiérarchie des filières". Les lycéens brillants sont automatiquement orientés vers la filière S, explique-t-il.
Inégalité post-bac
A cause de la dévalorisation de la filière littéraire, les alternatives d'études post-bac sont plus réduites pour un bachelier L que pour un bachelier S, explique Richard Descoings. "Etre admis en S, c’est être assuré que toutes les orientations post-bac sont possibles, y compris dans les CPGE [prépas] littéraires, y compris à l’université dans toutes les disciplines (…). Tandis que le futur bachelier L peut à juste titre estimer que bien des poursuites d’études post-bac lui sont à tout jamais fermées". Selon lui, les littéraires ont une mauvaise réputation, celle d'opter pour la solution de facilité en voulant éviter à tout prix les enseignements scientifiques et en bénéficiant d'un emploi du temps allégé.
Outre l'université, 12,5% des bacheliers L choisissent les BTS et les DUT, 8% optent pour des écoles spécialisées (santé, social, arts, architecture, traduction, sciences politiques ou commerce), et 9% d'entre eux accèdent aux prépas. Ils ne représentent toutefois que 6 élèves sur 10 dans les classes littéraires et artistiques. En effet, même au sein de ces prépas, censées leur être réservées, il existe une filière "B/L" qui recrute exclusivement des bacheliers S. "Une manière de souligner que les meilleurs littéraires se trouvent en S", dénonce Richard Descoing
Ils peuvent également intégrer les prépas commerce, sous réserve d'un niveau en math "suffisant". Condition surprenante aux vues de la faiblesse des enseignements scientifiques en terminale L.
Les élites des différentes filières n'échappent pas aux inégalités: lorsque la quasi-totalité des élèves de prépas scientifiques et commerciales sont reçus à un concours, seulement 1 élève sur 10 des prépas littéraires est reçu aux concours, indique Richard Descoings.
Insertion professionnelle difficile
Mais ce n'est pas tout. Une fois leur diplôme acquis, les bacheliers L peinent à entrer dans la vie active. Une nette majorité d’entre eux suivent un cursus universitaire, or une enquête de l'Apec parue vendredi 2 octobre révèle que 69% des demandeurs d'emploi sortent de la fac. L'enquête indique que 8 mois après leur sortie du système éducatif, seuls 68 % des diplômés Bac+4 occupent un poste. Parmi eux, les diplômés d'écoles de commerce et d'ingénieurs sont ceux qui s'insèrent le plus facilement dans la vie professionnelle, alors que les diplômés universitaires sont les plus touchés par le chômage.
En outre, 80% de des lycéens littéraires sont des filles, parmi lesquelles beaucoup se destinent à l’enseignement. "Elles ne sont aujourd’hui pas du tout indifférentes à la réforme des IUFM et à la baisse vertigineuse du nombre des postes mis aux concours de recrutement des enseignants", souligne le président de Science-po.
Revalorisation nécessaire
La réforme proposée par Richard Descoings -reprise par Nicolas Sarkozy- pour revaloriser la filière littéraire au lycée se décline en plusieurs volets: durcir l’admission en S, relever le niveau des matières scientifiques de cette filière et en limiter le caractère généraliste, afin d'empêcher les lycéens les moins calés en sciences de l'intégrer. Ainsi, les deux autres séries seront mieux valorisées et constitueront de vrais choix d’orientation par goût pour les matières et non par hiérarchie des représentations sociales.