En matière de redécoupage électoral, chacun voit midi à sa porte. Les trente-trois députés (18 à gauche, 15 à droite) dont la circonscription sera supprimée se sont fait entendre mardi, à l'Assemblée. Brouillés par l'affaire Jean Sarkozy, les débats sur la ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009, qui prévoit la création de 33 nouvelles circonscriptions, dont 11 pour les Français de l'étranger, ont débuté dans un climat de revendication.
Furieux que le Conseil constitutionnel ne retienne plus la règle de deux députés par département, Pierre Morel-A-L'huissier, député UMP de la 2e de Lozère, le dit sans ambages : «Soit j'étouffe mon collègue de la 1re circonscription, Francis Saint-Léger, soit il m'étouffe. Ce sera d'autant plus compliqué que tous les deux, nous soutenons le président de la République.» Autre victime du redécoupage, Marie-Anne Montchamp (UMP, 7e du Val-de-Marne) défendra en séance un amendement «technique» pour demander au gouvernement de revenir sur le redécoupage préconisé par la commission présidée par Yves Guéna, qui protégeait son fief. Envisage-t-elle d'arrêter la politique en 2012 ? «Même pas en rêve», rétorque cette chiraquienne, qui entend bien être candidate dans une autre circonscription du Val-de-Marne. En réunion du groupe UMP, à laquelle n'assistaient ni Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, ni Alain Marleix, secrétaire d'État aux Collectivités locales, la députée Valérie Boyer (8e des Bouches-du-Rhône), très applaudie, a lancé : «Je suis spoliée de la moitié de ma circonscription, et ce sont les bons bureaux.»
Recours
Martine Aubry, qui n'est plus députée, est venue assister Jean-Marc Ayrault, le patron des députés PS, pour dénoncer ce qu'ils ont appelé «le tripatouillage des modes de scrutin ou de circonscriptions». Même si le PS n'est pas opposé au principe du redécoupage, la première secrétaire du PS a déjà annoncé un recours devant le Conseil constitutionnel. Ayrault a critiqué ce texte dans lequel «une voix de gauche n'aura pas le même poids qu'une voix de droite car il faudra plus de 51,3 % des voix à la gauche pour être majoritaire à l'Assemblée». Une analyse contestée par Alain Marleix : «J'attends toujours que le PS nous le démontre.»
Le secrétaire d'État à l'Intérieur a justifié le redécoupage par la nécessité de «ne pas laisser se creuser davantage les écarts démographiques importants apparus entre les 577 circonscriptions législatives». Marleix a de¬vancé la grogne des députés en lançant : «Vous ne sauriez discuter le tracé de telle ou telle circonscription, surtout s'il s'agit de votre propre secteur d'élection (…) Une situation de conflit d'intérêt en quelque sorte…» Il a encore prévenu : «La question qui vous est posée est de savoir si le travail du gouvernement correspond à la mission que vous lui avez confiée.» Pour répondre à la gauche, Marleix garde en réserve des déclarations publiques de députés PS jugeant le redécoupage «légitime».