Les grands gagnants du second tour sont … les abstentionnistes, à 35%, un record depuis la création de la Vème République.
En seconde position, figure, bien entendu, l’opposition qui, profitant d’un contexte politique et économique lui étant favorable, a su en tirer profit et ce sans s’allier avec le «diable», à quelques rares exceptions près.
Quelles sont ces exceptions non convenables ?
On aura vécu, au cours de la semaine d’entre deux tours, une aventure qui n’existe plus que dans l’esprit de nos ancêtres : les fusions de listes, les négociations officieuses et opaques pour les sièges à pouvoir avaient des relents de ce qui a tué la IVème République, ceci en raison finalement de la présence dérangeante du Modem de François Bayrou, présence jugée dérangeante par tous car la stratégie suivie n’était ni lisible, ni utile, ni de nature à faire gagner ce que chacun appelle de ses vœux, à savoir la démocratie locale.
Les grands perdants sont les proches du chef de l’Etat
Malmenés d’abord dans les sondages puis dans les urnes, les proches du Président ont payé assez cher leur fidélité au locataire de l’Elysée. Ils ont certes perdu, perdu des collectivités, perdu des mandats, perdu en crédibilité. Telle est la dure loi du suffrage universel. Mais certains d’entre eux n’avaient-t-ils pas besoin de faire connaissance avec nos traditions électorales ?
Triomphants ou triomphalistes, les caciques de l’ancienne génération du PS, en particulier, auront gâché la soirée électorale et ce sur tous les plateaux de toutes les chaînes de télévision, y répétant, quart d’heure après quart d’heure, la même chose, les mêmes arguments …
Pas de nouvelles têtes, pas de génération montante sur les plateaux TV pour illustrer le cap générationnel franchi par les partis d’opposition, les chaînes préférant s’appuyer sur leur bon vieux fonds de commerce en donnant la parole à des femmes et des hommes du passé. TF1 a même poussé le bouchon un peu loin en donnant un temps de parole important, ni justifiable et ni justifié, à Ségolène Royal qui n’avait, en l’espèce, absolument aucune légitimité pour analyser et/ou commenter les résultats, n’étant ni candidate, ni Premier secrétaire du PS.
Des projecteurs mal braqués
Tous les projecteurs étaient braqués en effet sur les 401 villes de France qui comptent plus de 20.000 habitants; or 401 villes ne font pas la France qui en compte encore et toujours plus 36.000 !
Là encore, la volonté de politisation à un échelon autre que local n’était même pas voilée ! D’ailleurs, plus généralement, ces triangulaires et quadrangulaires si nombreuses que l’on suivait ici ou là ne font qu’accréditer la thèse de reconstruction presque ex nihilo du paysage politique de notre pays qui décidément ne se satisfait pas de ce clivage bipolaire et séculaire qui divise nos compatriotes.
Faut-il un remaniement ministériel ?
En fait, la question est malvenue et il serait particulièrement inopportun et maladroit que de modifier en profondeur les équipes en place car ce serait politiser un scrutin local et prendre des risques inouïs à quelques semaines de la présidence française de l’Union européenne.
Rien n’indique en revanche que le chef de l’Etat restera sourd à ce basculement arithmétique de la France dans l’opposition pour les comptages consolidés de ce scrutin là.
Et puis, il y aura bien sûr quelques retouches ministérielles ne serait-ce qu’en raison de démissions dont une annoncée, celle de M. Estrosi élu maire de Nice. Mais pas de révolution.
Enfin, le Premier ministre a fait une déclaration aussi claire que solennelle confirmant la volonté qui est la sienne et partagée avec l’Elysée que de poursuivre et accélérer les réformes car comme l’a fort justement affirmé M. Copé, avec il est vrai un peu trop de ferveur maladroite, ce sont les impatiences qui ont pesé sur les choix des uns et des autres, davantage que les déceptions, car plus mûrs et plus responsables que jamais, électrices et électeurs savent qu’il faut faire preuve de patience pour avoir des résultats mais le signal est justement celui du porte-monnaie qui tarde à se remplir, de cet emploi toujours difficile à trouver, de cette confiance perdue dans la Société, la justice, les valeurs de la République.
Des équipes nouvelles au travail
Le résultat, le vrai, de ce second tour peu mobilisateur est pourtant exceptionnellement important puisqu’il donne le pouvoir à des milliers de personnes nouvelles et fraiches en politique, cette relève que l’on n’attendait plus. Battu à Boulogne, M. Fourcade, ancien ministre de Giscard d’Estaing, en est une belle illustration. Il en existe quantité d’autres dans les deux sens.
Les collectivités locales sont devenues les «entreprises» les plus importantes du pays, dotées de budgets conséquents et cet argent public local que vont gérer les nouvelles équipes durant ces six années de mandat, les Français ont préféré le voir être dépensé avec en perspective plus de modernité, plus de services, plus de contreparties en face de la fiscalité locale acceptée bon gré mal gré.
Au moment où sont écrites ces lignes n’étaient pas encore en connus, en détail, les résultats de ce second tour des élections municipales et cantonales. En revanche, une chose, une seule, était certaine, l’écart en pourcentage séparant la gauche de la droite était moins nette que la situation observée l’année passée, une situation plus tranchée, lors des scrutins présidentiel et législatif. Une preuve de plus, s’il en était besoin, d’un avertissement lancé par les villes, moyennes et grandes, davantage politisées et surtout d’une volonté irréfragable de modernisation et de nos institutions et de renouvellement de notre personnel politique …