L'avocat général, Marc Domingo, a estimé vendredi que le dernier mot sur cette évolution sociale appartenait au législateur et non pas au juge, qui outrepasserait, selon lui, sa mission.
Le magistrat a attiré l'attention de la première chambre civile sur les profonds bouleversements de l'ensemble du droit civil et de la famille qu'entraînerait l'acceptation du mariage homosexuel par les seuls juges.
"Une désexualisation jurisprudentielle du mariage dévasterait l'économie de la filiation et rendrait incohérentes les normes qui l'encadrent actuellement sans les remplacer par d'autres règles dont il faudrait attendre des pouvoirs publics qu'ils les édictent", a souligné M. Domingo.
Compte tenu des enjeux de société importants qui relèvent de cette question et de la dimension politique évidente que revêt toute tentative d'y apporter des réponses adaptées, abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer, me paraît exiger du juge qu'il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action", a ajouté l'avocat général selon lequel le débat "ne peut se dérouler de manière féconde que devant la représentation nationale".
Des points de vue que ne partage pas du tout l'avocate des mariés de Bègles, Me Françoise Thouin-Palat, qui a incité les magistrats de la première chambre civile à faire une "lecture dynamique et non statique du droit".
Le code civil ne stipule pas expressément que le mariage doit être conclu entre un homme et une femme, a rappelé l'avocate. "Soyons honnêtes, en 1804, la question ne se posait pas", a-t-elle admis. Mais face à ce silence de la loi, les juges ont, selon elle, une niche pour légaliser le mariage entre personnes du même sexe.
"Loin d'être une déviance, cette aspiration est au contraire une aspiration aux valeurs fondamentales d'égalité et de fidélité", a plaidé l'avocate pour laquelle la question des enfants et de l'adoption ne découle pas obligatoirement du mariage. "Ce n'est pas une révolution que nous vous demandons par la consécration d'une évolution", a-t-elle conclu.
Le premier mariage homosexuel français avait été déclaré nul le 27 juillet 2004 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, une décision confirmée le 19 avril 2005 par la Cour d'appel. Le couple s'est pourvu en cassation.