Il sera amusant, dès le début des primaires de ce parti d’observer les prétendants venir expliquer aux militants et aux sympathisants qu’ils sont prêts et ont tout pour appliquer un programme dont chacun sait qu’il ne sera pas appliqué, faute de moyen comme faute de lucidité. Et, au-delà, la crédibilité d’un candidat aux primaires de servir de 1er soldat de la rue de Solferino a quelque chose de cocasse puisque, sur le papier tout au moins, la marge de manœuvre du futur locataire de l’Elysée, dans le prolongement de ce contexte prenant peu ou prou la forme de débats participatifs, serait réduite à peau de chagrin et nous emmènerait vers une forme nouvelle et moderne d’autogestion.
Quant aux candidats eux-mêmes, toujours sur le papier, ils sont nombreux à pouvoir prétendre jouer un rôle important dans la future équipe de France car, parmi celles et ceux qui se sont plus ou moins déclarés, la grande majorité sont des gens de talent tout autant que de pouvoir. Mais à être trop nombreux, ils risquent de biaiser les résultats d’une organisation lourde pour le parti et même pour le pays. Ce serait, en plus, offrir un spectacle à nos compatriotes que la droite modérée de notre pays semble prête à répéter en multipliant les candidatures ne reflétant que l’ego de cadres et dirigeants politiques simplement conscient de la brèche béante que leur laisse l’antisarkozysme des uns et le discours attardé des autres. Ces égos surdimensionnés, avec force sondages à l’appui, pourraient permettre que se reproduise le schéma de 2002 pour le second tour mais ne nous fions pas à ces fictions nées de l’esprit critique de chacun à quatorze mois environ des échéances.
Le programme que défend Madame Aubry et sur lequel les siens ont eu bien du temps pour y travailler tient en trente points. Pour être appliqué, soyons modestes, sur un quinquennat, cela fait six propositions à mettre en œuvre par année civile soit encore une proposition à gérer concrètement tous les deux mois.
Parallèlement, une équipe gouvernementale comptant, en moyenne, une quarantaine de personnes, cela ne peut laisser de marbre si l’on doit imputer cette proposition bimestrielle à la quarantaine de titulaires de maroquins et ce sous l’autorité d’un Premier ministre qui, de fait, ne pourrait être surchargé et pour cause !
En effet, quarante personnes multipliées par deux mois (ou environ sept semaines, chacune de 35 heures) cela fait deux cent quatre-vingts fois trente-cinq soit neuf mille huit cents heures de disponibles pour chaque proposition pour le seul exécutif direct sans compter les services ni les cabinets. Près de dix mille heures consacrées aux projets de Madame Aubry, dix mille heures par projet, cela nous ramène à la triste mémoire de planification soviétique durant la Guerre froide occupant des centaines de milliers de cols blancs à ne rien faire.
On le voit, une fois encore, Madame Aubry trouve excessive cette loi pour les trente-cinq heures et voudrait les ramener si possible à douze, à moins qu’elle n’ait, ce que d’aucuns pensent déjà depuis longtemps, que la maire de Lille a un bon siècle de retard et est empreinte d’une utopie que seul son humanisme permet de tolérer …
Bernard Marx