Parti très bas dans les sondages, le centriste François Bayrou fait désormais figure de « troisième homme » sur un credo
En revanche, le trouble-fête de 2002, Jean-Marie Le Pen, n'a pas encore dit son dernier mot; il disposerait, en effet, d'un potentiel électoral sans doute encore plus fort qu'il y a cinq ans ! Rappelez-vous : il était parvenu au second tour en devançant Lionel Jospin. Et rien n’est joué même si les enquêtes d’opinion le placent aujourd’hui très en retrait.
Pourquoi tant de doute ? Depuis 2002, les Français semblent être passés maîtres dans l'art de mettre à mal le système politique en place. Là encore, le devoir de mémoire s’impose : après le véritable raz-de-marée socialiste aux régionales de 2004, deux ans seulement après que Jacques Chirac eût obtenu 80% des voix en mai 2002, s’est ensuivi ces 54,67% de non au référendum sur le Traité constitutionnel européen. Voilà quand même un vrai pied-de-nez aux grands partis, majoritairement ancrés dans une direction, celle pour laquelle ils avaient, « lourdement » milité : le « oui ».
Depuis lundi dernier, on connaît donc tous les candidats à la huitième élection présidentielle au suffrage universel de la Vème République. Cette fois, ils ne seront « que » 12 contre les 16 qui s’affrontèrent il y a cinq ans, en 2002.
Nette inversion des courbes
Mais le spectre de 2002 a infléchi les esprits car toutes celles et tous ceux qui avaient vu l'élimination de la gauche du second tour pour la première fois depuis 1969, ne semblaient pas vouloir que ce scénario se répétât. D’ailleurs, le PS a pris cette fois grand soin de ménager Jean-Pierre Chevènement et le PRG afin d’éviter une multiplication de candidatures. Ce « ménage » partiel, s’il a été réussi au sein de la gauche dite traditionnelle, a, en revanche, échoué à la gauche de la gauche, celle où d’ailleurs, hormis José Bové et Olivier Besancenot, s‘affrontent plusieurs candidates, les « autres femmes » de la campagne. Pris séparément, ils pèsent très peu. Mais, ensemble, ils pourraient empêcher la créatrice de la
« bravitude » d’être qualifiée pour le second tour.
Celle-ci est en effet coincée entre ces révolutionnaires du nouveau siècle et un François Bayrou qui, désormais, fait peur aux deux principaux candidats. Pourquoi ? Car tout laisse penser qu’il les battrait tous les deux, s'il parvenait au second tour ...
Aujourd'hui, le tableau n'est plus du tout le même, essentiellement à cause de la percée de François Bayrou, particulièrement spectaculaire depuis la mi-février
Le patron de l'UDF, à la fois critique du système et dans le système, a réussi successivement à fédérer sur son nom des sympathisants de gauche. Puis de droite.
Pour autant, rien aujourd’hui ne permet encore d’affirmer qu'il puisse se maintenir à un si haut niveau jusqu'au 22 avril. L’électorat est sinon instable, « peu stable » et nous ne sommes pas à l’abri d’un réflexe identitaire qui pourrait ramener au bercail les électeurs dans leurs camps traditionnels.
Il faudrait pour cela, malgré tout, que les « grands candidats » arrêtent les bévues qui les handicapent et surtout qu’ils parviennent à convaincre nos compatriotes de l’utilité d’un vote utile, d’une part, et de l’impossibilité de gouverner pour M. Bayrou, au terme des élections législatives, avec une équipe d’union nationale, d’autre part. Et sur ces deux points, Madame Royal comme M. Sarkozy ont encore des progrès à faire.