Les eurocrates de Bruxelles qui défendent le concept de « clusters » de pôles de compétitivités ont une approche plus que théorique de ce qui, sur le plan pratique, devrait être une coopération renforcée entre lesdits pôles de compétitivité, pour autant que cette coopération soit possible, que de synergies existent. Bref, nos technocrates européens ont voulu se donner les moyens d’organiser une nouvelle forme de politique économique et il faut dire que les résultats sont plus que contrastés.
Qu’en est-il vraiment ?
Les pôles sont peu nombreux à afficher des bilans globalement positifs et pour se prémunir d’un risque d’éclatement ou de « dissolution », ils se posent désormais en leviers ou en outils par lesquels pourrait passer, au moins pour partie, la politique industrielle et de recherche voulue notamment par le chef de l’Etat. Si on ne change pas une équipe qui gagne, en revanche, il est normal que l’on se pose des questions sur celles qui conduisent à l’échec, à la déception, au déficit et aux pertes.
Les Régions se sont mobilisées fortement
Assurément, les régions ont été mobilisées. Fortement. Il conviendra, le moment venu, de ne pas l’oublier, dans un sens comme dans l’autre.
Car si certaines ont largement contribué au succès d’autres, à l’inverse, suscitent interrogations et réflexion. Et pour le coup, ce doute qui s’empare de notre Etat traditionnellement et historiquement régalien concerne l’ensemble des pôles !
Un état des lieux qui rappelle le bon sens à ceux qui l’auraient oublié
En effet, le rôle des Régions et des pôles se voulait à l’origine complémentaire, permettant aux uns et aux autres d’explorer les nouvelles pistes qui eurent permis de proposer des axes forts eux-mêmes susceptibles de lancer ou d’amplifier une vraie et solide politique industrielle.
Qu’en est-il vraiment ? Les élus et fonctionnaires territoriaux se sont activés, ont fait ce qu’ils pouvaient mais ce n’était ni leur métier ni leur vocation. Et parallèlement, les consultants de tous poils se sont « gavés » sur le dos des contribuables en proposant à des coûts astronomiques qui des études préalables, qui des schémas stratégiques en amont qui se sont révélés être sans intérêt ni pertinence lorsqu’ils n’ont pas fini aux oubliettes …
La vraie question n’est-elle pas de repositionner le rôle des collectivités par rapport à la politique d’État des « pôles de compétitivité » ?
Les premiers enseignements opérationnels qui ont pu être tirés des bilans d’étape dressés par le Conseil d’Analyse Économique, le Comité Economique et Social et la DIACT montrent une fois de plus qu’il y a gâchis ne serait-ce qu’en raison des options contradictoires voire opposées prises par les intervenants multiples sur des questions qui eurent été mieux traitées au travers d’une politique industrielle moderne et centralisée quitte ensuite à en déléguer la phase opérationnelle aux collectivités territoriales, départementales, régionales, parfois municipales, concernées. Et une telle organisation ne signifiait pas pour autant un retour aux vieux démons des plans du Commissariat Général du même nom !
Nous n’avons que faire du rapport des cabinets Boston Consulting et CM International pour le compte de la DIACT, donc de l’Etat même si l’on peut, ça et là, y trouver des détails croustillants.
L’heure est au bilan et … à la déception. Car une fois de plus un tonneau des Danaïdes d’argent public a été vidé au motif qu’il fallait associer de trop près le secteur public, fût-il local, à ce que seuls les acteurs privés sont capables de bien faire en termes de développement économique.
Les régions, presque unanimement de gauche, portent certes le chapeau mais au nom d’un projet mal ficelé qui fut celui de Jean-Pierre Raffarin.
Prendre les bonnes décisions
Désormais, la France qui n’a pas su à temps prendre le virage qu’ont pris ses partenaires de l’Union va souffrir de ses retards, de ses freins et pourrait, une fois calmée la crise actuelle, ne pas s’inscrire dans une nouvelle dynamique européenne. Ceci est vrai pour toutes nos entreprises jusqu’aux PME et autres TPE car moins d’une sur dix déclare avoir été en contact avec l’un de nos 71 pôles !
L’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) et Oséo se voient, à juste titre, pointés du doigt. Et la réponse n’est sûrement pas de multiplier les pôles ce qui ne ferait que diluer les financements. Ou plutôt ce qu’il en reste. La déception est là. Elle existe. Et il serait dangereux, pour l’avenir de l’emploi et de l’industrie du pays que de confier aux seules régions le rôle de chefs de file de l’action économique.
Bernard Marx