Ces esprits créatifs, fertiles, libres sont rares. Ils ne peuvent en revanche qu’être difficilement contrôlés et canalisés. D’où les règles du jeu qui prévalaient entre les deux hommes à l’époque et ce même si toutes les propositions, notamment retenues, ne pouvaient plaire à tout le monde et en particulier aux plus radicaux de l’entourage du « gravisseur de Solutré ».
Aujourd’hui, la mise en scène est très différente et on n e peut que saluer le courage de l’homme que d’avoir accepté de jouer le jeu de l’ouverture, d’avoir sans compromis ni compromission structuré plus de 300 potentielles décisions pour changer la France. Davantage exposé, prêtant dès lors le flanc à la critique, l’intellectuel inclassable sur l’échiquier politique a incontestablement pris des risques.
Pour autant, contrairement à l’exploitation médiatique et politique qui en est faite, les travaux de sa Commission sont structurés, calculés, davantage impertinents que pertinents ne serait-ce qu’en raison de leur caractère a priori iconoclaste mais ô combien emprunts de bon sens et même de ce qui en fait une œuvre prospective et visionnaire à la fois.
Pourquoi tant de haine ?
Jacques Attali n’est plus apprécié dans son camp politique originel et la méfiance que manifestent les caciques de la majorité actuelle font de lui un ennemi dangereux pour certains lobbies voire un « révolutionnaire » qui entend briser certains privilèges et ordres établis qui bloquent la société, qui empêchent que ne se libèrent les énergies du pays.
Haï à gauche, vilipendé au centre et fortement critiqué à droite, le brillant cerveau n’a qu’une fenêtre de tir très ténue. Il doit l’utiliser. Il a l’obligation morale, le devoir impérieux de faire en sorte que ce qui fut couché sur le papier fin 2007 puisse entrer en vigueur, sur l’essentiel, dès cette année et tout au long de la mandature.
Être moderne dérange. Reléguer le conservatisme dans les limbes passés de notre République semble difficile à accepter pour toutes ces corporations qui se sont bâti leur édifice d’avantage set autres privilèges. En fait, les constats d’échec ou de dysfonctionnements, solidement argumentés, n’ont jamais eu l’heur de plaire.
Et puis il y a ses origines. Juif il est et entend rester sans jamais renier ni ses racines ni ses valeurs. Or chacun sait que l’antisémitisme n’a jamais été aussi fort aujourd’hui depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L’émigration massive de certains de nos compatriotes en Terre sainte sans argent et sans travail et surtout sans réelle pratique orthodoxe de cette confession est là pour en attester.
Ce rapport – qui en résumé compte 245 pages – n’a sans doute été lu de A à Z que par 0,1% de ses détracteurs. Autant dire que le procès qui en est fait n’a aucun socle contradictoire digne de ce nom.
Heureusement, le chef de l‘Etat, bien qu’ayant émis quelques réserves sur des points qui de toute manière donneront lieu à débat, semble bien décidé à en tirer la substantifique moelle, c’est-à-dire l’essentiel. Et peu importe, pour l’un et l’autre que cela plaise ou non. La popularité n’est plus un enjeu de pouvoir car chacun sait qu’il y a urgence de réformer et de placer en orbite de modernité une France malade et endormie.
Nicolas Sarkozy, de cette boîte à idées remarquable, en fera, sans nul doute, une boîte à outils. Mais contrairement à ce que nous prédisent corbeaux et Cassandre, il ne s’agira nullement d’une boîte de Pandore. Car la mythologie, pour l’un comme pour l’autre, ce n’est pas leur truc …