Apôtre du « Non », Laurent Fabius n’a fait que symboliquement rappeler les raisons qui l’avaient fait opter pour cette réponse à la question posée alors que ses deux compétiteurs juraient les grands dieux qu’ils en tiendraient compte mais tout en relançant le processus.
Du côté de la droite parlementaire, le débat est à dessein occulté pour ne pas diviser et surtout rester dans le bon vieux schéma classique de la politique française et ses clivages pourtant surannés. Car soulever, à nouveau, la question du Traité reviendrait à faire voler en éclats les repères politiques voire politiciens qui permettent aux courants de pensée de s’exprimer.
Les « outsiders » de gauche altermondialiste jusqu’à la droite de la droite ne se privent pas, en revanche, de remettre au centre du débat cette question essentielle ne serait-ce qu’en raison des pouvoirs importants sinon énormes désormais dévolus aux représentants siégeant à Bruxelles.
Contrairement aux idées reçues et aux aspirations légitimes de nos compatriotes, le pouvoir, le vrai, la capacité de décider, d’engager des réformes, de peser au plan international s’est déplacée. Les deux Parlements le savent. Les professionnels de la politique ne peuvent l’ignorer même s’ils feignent de ne pas l’avoir mesuré. Ce serait faire le terrible aveu d’une impuissance presque irréversible – ou à tout le moins difficilement réversible - à l’aube d’une échéance majeure.
Chacun l’aura constaté au lendemain du « Non » français comme néerlandais au Traité : la Commission n’en a pas tenu compte et a poursuivi, comme si rien nez s’était passé, son chemin vers un modèle « homogène » autant qu’autocratique, un modèle :
- Politique
- Economique
- Démocratique
- Administratif
- Législatif
- Ecologique
… qui n’est pas sans nous rappeler les années de la guerre froide à l’époque où nous faisons face à un « bloc » mu finalement par les mêmes valeurs de nivellement socioéconomiques et politiques au nom d’une politique sans avenir.
La question de l’entrée de la Turquie en Europe que les tenants du « oui » ne nous présentaient que sous la forme d’un projet à moyen ou long terme alors que la délégation turque était reçue, en grandes pompes, une quinzaine seulement après le rejet populaire français vient confirmer le mépris supranational des instances européennes, davantage nommées qu’élues, à l’endroit des peuples qui pourtant la composent.
Un Nicolas Hulot qui fait habilement parler de lui sur des questions – certes d’importance – qui dépassent largement nos frontières ne fait qu’exploiter une brèche béante des ruines de notre démocratie après un quart de siècle d’échecs accumulés des partis de gouvernement.
Un José Bové qui dénonce la mondialisation et fauche les OGM sait, mieux que bien d’autres, que les questions qu’il soulève ne se régleront ni à l’Elysée, ni à Matignon.
Ségolène Royal, en attente d’idées de la part de nos compatriotes, ne fera guère illusion dans la durée et malgré toute son énergie et son talent, Nicolas Sarkozy ne pourra faire l’économie de ce bilan des « actifs » restant à la décision présidentielle s’il veut réellement inscrire sa campagne dans la transparence.
Alors, oui : l’Europe pédale ! Elle pédale vite et fort vers une forme nouvelle de démocratie non participative, vers un néocollectivisme qui fait frémir et qui fait peur. Car ce « bloc » de l’Union, régi par des eurocrates sans inspiration, menace plus la démocratie que ne le font ensemble ou séparément les Etats-Unis, le Japon ou la Chine.
Bernard Marx