Mais l’accession de la Chine à un tel statut se fait à une telle vitesse et à une telle échelle qu’il n’y a aucun précédent dans l’histoire, et donc, les problèmes de pollution engendrés ont explosé les précédents records.
La dégradation de l’environnement est désormais si grave et entraîne des répercussions tant nationales qu’internationales si totales que la pollution occasionne non seulement des charges à long terme sur la population mais également un défi politique aigu au Parti Communiste en place.
Et il n’est pas évident que la Chine puisse contrôler son propre poids économique.
La santé publique est à l’agonie. La pollution a fait du cancer la première cause de mortalité en Chine, selon le ministre chinois de la santé. La pollution de l’atmosphère à elle seule est la cause de miliers de morts chaque année. Presque 500 millions de personnes manquent d’eau potable.
Les villes chinoises semblent souvent drapées dans un voile d’un gris toxique. Seul 1% des 560 millions de citadins chinois respirent un air sain selon les standards de l’Union Européenne. Pékin recherche frénétiquement la formule magique, le "deus ex machina" climatologique qui nettoiera son ciel avant les jeux olympiques de 2008, allant jusqu’à interdire la circulation automobile un jour sur deux à la moitié des véhicules, sparadrap sur plaies profondes.
Les déboires environnementaux qui seraient considérés comme catastrophiques dans certains pays semblent monnaie courante dans les villes industrielles chinoises où les habitants voient rarement le soleil, les enfants sont tués ou rendus malades par l’empoisonnement au plomb ou d’autres types de pollution. La côte maritime est tellement envahie par les marées d’algues rouges que de larges parts de l’océan n’autorisent même plus la vie sous-marine.
La Chine est victime de son propre succès. L’économie est lancée dans une course historique, avec des coefficients de croissance à deux chiffres. Mais cette croissance dérive, maintenant plus que jamais auparavant, par suite d’une délirante expansion de l’industrie lourde et de l’urbanisation qui nécessite des consommations d’énergie colossales. Et cette énergie est tirée presque exclusivement du charbon, la source d’énergie la plus facile d’accès, mais aussi la plus polluante.
"La situation est très délicate pour le pays car nos plus grandes réussites sont en même temps nos plus gros problèmes", dit Wang Jinnan, l’un des meilleurs chercheurs chinois en environnement, ajoutant : "Il y a urgence à changer nos orientations, mais beaucoup refusent d’admettre que nous devons avoir une nouvelle approche si tôt".
Le problème de la Chine est devenu le problème du monde. Le dioxyde de souffre et les oxydes de nitrogènes crachés par les centrales électriques au charbon de la Chine retombent sous forme de pluies acides sur Seoul et Tokyo. Une partie de la pollution sur Los Angeles à ses origines en Chine, selon le ‘Journal de Recherche Géophysique’.
La Chine est entrée dans son étape la plus forte de sa révolution industrielle, alors même que le monde extérieur se préoccupe de plus en plus du réchauffement de la planète.
Certains experts avaient pronostiqué que la Chine pourrait dépasser les Etats-Unis et accéder au douteux rang de premier pollueur en terme d’émissions de gaz à effet de serre à partir de 2010, peut-être plus tard. Aujourd’hui, l’Agence Internationale de l’Energie a déclaré que la Chine serait au premier rang avant la fin de cette année (2007), tandis que selon l’Agence Hollandaise de l’Environnement soutient que la Chine a déjà passé ce niveau.
Pour le Parti Communiste, le calcul politique est effrayant. Juguler la croissance économique pour alléger la pollution peut sembler logique, mais le système dirigiste du pays est habitué aux croissances rapides, jusqu’à l’accoutumance. La prospérité apaise la population, favorise la corruption de responsables bien placés et désamorce les mouvements politiques contestataires. Un ralentissement économique pourrait provoquer l’agitation sociale, aller à l’encontre d’intérêts économiques et menacer le parti.
Mais la pollution apporte ses propres menaces. Les officiels rendent la pollution de l’air et de l’eau responsables de milliers de manifestations publiques. Les coûts relatifs à la santé publique ont alertement grimpé. Le manque d’eau pourrait transformer plus de terres agricoles en désert. La croissance incontrôlée des industries dévoreuses d’énergie crée une dépendance de plus en plus grande envers les importations de pétrole ou le charbon de mauvaise qualité. Tous ces éléments montrent que plus les problèmes deviennent cruciaux et coûteux à résoudre, plus longtemps ils attendent leur solution.
Les dirigeants chinois reconnaissent devoir changer de cap. Ils souhaitent moderniser la philosophie de l’époque de Teng Xiaoping qui prônait "la croissance d’abord" et adopter un nouveau modèle qui permettrait une croissance modérée en même temps qu’une protection de l’environnement.
Dans l’un de ses discours, le premier Ministre chinois Wen Jiabao a utilisé 48 fois les termes "environnement", "pollution" ou "protection de l’environnement".
Le gouvernement s’est fixé des cibles précises en matière de réduction des émissions. Les subventions à l’export mettant en jeu les industries polluantes cessent progressivement. Des mesures de fermetures à l’encontre des mines de charbon illégales ou d’usines fortement polluantes ont été prises. Des initiatives importantes sont en chemin concernant la manière de développer les sources d’énergie propres, comme le solaire ou l’énergie éolienne. En outre, le contrôle de l’environnement à Pékin, Shangai et d’autres grandes villes ont bénéficié de l’effet olympique.