A son analyse, cependant, Jacques Attali a omis un paramètre d’importance : celui qui régit l’économie de l’Internet, une économie dont la bulle a « crevé » une première fois mais une bulle qui, depuis, s’est reconstituée et fait qu’une économie totalement virtuelle – ou plus exactement immatérielle – pèse de plus en plus lourd dans le total des richesses mondiales produites chaque année.
Imaginez : si Google, dans la ligne de mire de l’administration Obama dans le cadre des lois antitrust américaines, venait à être démantelé, comme le furent AT&T et d’une certaine manière IBM, tout le château de cartes de sites Internet qui vivent de la publicité en ligne et tout l’édifice des modèles de messagerie et autres services « gratuits » sur le Net s’effondreraient, avec, pour conséquence immédiate un « nettoyage » assimilable à un tsunami de sites Internet sur la Toile et par conséquent la disparition d’une quantité impressionnante de sociétés, petites et moyennes, qui vivent par et pour l’Internet, sans autre lien avec l’économie réelle.
Le Nasdaq, dans un tel cas de figure, pourrait être secoué au point de disparaître du paysage des grands temples de cotations boursières. Les grandes sociétés investies dans l’univers des nouvelles technologies de l’information et de la communication, sociétés qui jusqu’ici n’ont trouvé ni modèle économique, ni réelles perspectives à court et moyen terme de rentabiliser les gigantesques investissements consentis, seraient contraintes soit de mettre la clé sous le paillasson, soit de se recentrer vers les métiers de l’économie réelle qui ont fait leurs preuves en termes de création de richesse et de production de valeur ajoutée.
Déjà, les esprits ont en peu de temps sacrément évolué puisque du libre assimilé au « tout gratuit » on est passé à un nouveau stade ou le libre est régi par des codes, des licences et qu’en lieu et place de la gratuité il y a un autre modèle économique qui a été adopté, modèle cynique d’ailleurs qui n’accorde aucune valeur ou presque au logiciel mais beaucoup de valeur et sans doute trop aux services associés à ces bouts assemblés presque impossibles à maintenir.
Avec la grosse panne de GMail, cette semaine, qui a privé durant plusieurs heures des centaines de millions de personnes de leurs informations et courriels essentiels, avec les risques que représentent les modèles Saas (« Software as a Service »), le « Cloud Computing » et la virtualisation de systèmes d’information aussi bien en termes de sécurité des données que de fiabilité des systèmes sauf à protéger les investissements du célèbre moteur et à la marge d’Amazon et d’IBM, les responsables, élus, directeurs informatiques, chefs d’entreprises, … vont clairement dans les mois à venir reconsidérer leurs stratégies aussi bien pour le développement « offshore » qui leur a fait perdre la main sur leur savoir-faire logiciel que pour les services dont leurs entités ont besoin et dont la « téléportation » sur la toile, un moment attractive économiquement et intellectuellement, fera sans doute l’objet d’un rapatriement anticipé, au mieux, forcé, au pire.
Car de tout ce qui bouge aujourd’hui du fait de la crise qui nous frappe, les TIC sont elles aussi devenues une menace réelle et tangible dès lors qu’elles représentent un risque sécuritaire ou technologique, voire stratégique, pour les entreprises et administrations surtout lorsqu’elles s’exploitent ou s’expérimentent dans un cadre dont le modèle économique n’a pas été trouvé, ni maintenant, ni pour demain. Le deuxième éclatement de la bulle est à nos portes. Il nous faut, impérieusement, nous en prémunir …