Selon plusieurs estimations, la glace a réduit d’une façon jamais vue depuis plus d’un siècle.
Maintenant, la saison obscure de six mois est revenue au pôle Nord. Une glace neuve essaime au milieu des étendues de l’océan Arctique.
Étonnés par les changements estivaux, les scientifiques étudient les forces qui ont mis à nu un million et demi de kilomètres carrés d’eaux libres – soit six fois la Californie - de plus que la moyenne depuis que les mesures par satellites ont commencé en 1979.
Les scientifiques sont désorientés par les implications futures d’un tel été.
Pour compliquer le tableau, le changement frappant de l’Arctique semble être aussi bien dû au mouvement de la glace qu’à sa fonte, selon beaucoup.
Une nouvelle étude du Jet Propulsion Laboratory et publiée dans les "Lettres de Recherche Géophysique", utilisant le satellite et des bouées, montre que depuis 2000, les vents ont poussé d'énormes quantités de glace ancienne épaisse hors du bassin arctique. Selon les auteurs de l'étude, la fine croûte de banquise formée sur les eaux ainsi découvertes a fondu plus vite ou a pu être brassée par les vents et identiquement poussée hors du cercle arctique.
La vitesse du changement a de loin dépassé les estimations faites par presque toutes les simulations utilisées pour modéliser les réactions de l'Arctique aux concentrations croissantes de gaz à effet de serre liées au réchauffement. Mais cet écart peut trouver deux explications. Les modèles utilisés peuvent être exagérément prudents, ou bien il leur manque la prise en compte d'influences naturelles causant des écarts de glaciation et de température, minimisant leurs calculs sur le réchauffement.
Le monde entier se montre plus attentif que jamais.
La Russie, le Canada et le Danemark, motivés d'une part par des années de réchauffement et d'autre part par la libération glaciaire de l'année, ont pris des mesures pour sécuriser les routes maritimes et les ressources des fonds sous-marins.
Les tenants des mesures de réduction des gaz à effet de serre pointent du doigt la fonte des glaces comme une preuve que l'activité humaine est à l'origine de changements climatiques pouvant tourner à la catastrophe.
Les experts de l'Arctiques ne pensent pas que la situation puisse être aussi simplement expliquée. Plus d'une douzaine de scientifiques ont déclaré lors d'interviews que l'extrême réduction de la banquise a révélé au moins autant d'inconnues sur l'Arctique que ce qui était connu auparavant. Cependant, beaucoup d'entre eux ont ajouté qu'ils commencent à croire que le système va vers un nouvel état, plus liquide, et que le réchauffement causé par l'humanité y joue un rôle significatif.
Il faut bien dire que les experts ont des difficultés à trouver des données enregistrées, de quelque origine que ce soit, montrant un retrait général similaire de la banquise arctique dans un passé relativement récent. Cette absence les conforte dans l'idée que les humains pourraient bien avoir faussé l'équilibre. Selon nombre de scientifiques, le dernier réchauffement notable de la région, remontant aux années 30, a principalement affecté les zones proches du Groenland et de la Scandinavie.
Certains scientifiques ayant longtemps douté que l'influence humaine puisse être clairement discernée dans le changement climatique de l'Arctique admettent aujourd'hui que la tendance est difficile à attribuer à quoique ce soit d'autre.
John Michael Wallace, scientifique à l'Université de Washington déclare "Jusqu'à la fin des années 90, nous avions l'habitude d'attribuer une grande partie des variations à des changements des vents, changements naturels non reliés de façon claire au réchauffement. Mais les changements des dernières années vous obligent à une remise en cause. Je suis bien plus réceptif à l'idée que nous puissions avoir passé un point de non-retour."
Essentiellement, les eaux arctiques pourraient se comporter comme celles de l'Antarctique, où une large frange de banquise se forme à chaque hiver austral et disparaît presque complètement lorsque l'été arrive.
Alors qu'un océan arctique aux eaux libres serait un avantage pour la navigation, la pêche et la prospection pétrolière, une altrnance entre banquise et absence de banquise serait un choc particulièrement rude pour l'ours polaire.
Beaucoup de chercheurs ont lancé une mise en garde contre une navigation trop hâtive sur le sommet du monde. Marika Holland, du centre National pour la Recherche Atmosphérique, a déclaré "Des variations naturelles pourraient contrebalancer le réchauffement, pouvant même éventuellement stabiliser la banquise pendant un certain temps. Mais cela ne durerait pas. Éventuellement, les variations naturelles pourraient renforcer les changements induits par l'homme, et peut-être menant à un retrait plus rapide encore. C'est pourquoi je ne signerais aucun contrat de navigation pour les 5 à 10 prochaines années, mais peut-être les 20 ou 30."
Alors que les experts discutent des détails, la plupart tombent d'accord sue le fait que la disparition de la banquise de cette année est due à une conjonction de forces différentes, incluant un plafond nuageux emprisonnant la chaleur et la vapeur d'eau dans l'air, ou l'influence d'un ciel inhabituellement ensoleillé en juin et juillet. D'autres facteurs importants sont les vents chauds venant de la Sibérie. Non seulement ces vents auraient fait fondre les glaces les plus fines, mais ils les auraient également poussé là où les courants et les vents pouvaient les emmener loin de l'océan arctique.
Mais un autre facteur était probablement en cause, dont les racines remontent à 1989. À cette époque, une bascule périodique des vents et des pressions, appelée oscillation arctique, est sortie d'une phase qui tendait depuis des années à empêcher la banquise de glisser dans un tourbillon, lui permettant d'épaissir, entrant dans une phase qui au contraire la pousse en direction de l'Atlantique Nord.
Sans glace épaisse pouvant supporter des mois d'ensoleillement estival, plus d'eaux sombres et de glace fine ont absorbé l'énergie solaire, renforçant la fonte et retardant le gel hivernal.
La nouvelle glace formée, plus fine, est aussi plus vulnérable à une fonte résultant de la chaleur maintenue près de la surface des océans par les nuages et la vapeur d'eau. C'est là que l'influence humaine croissante sur le système climatique pourrait exercer la plus grande influence locale.
Certains experts pointent le rôle des courants chauds grandissants qui pénètrent l'océan arctique à travers le détroit de Béring entre l'Alaska et la Russie, et celui des courants des profondeurs qui coulent vers le nord depuis l'océan atlantique près de la Scandinavie.
À l'heure actuelle, les avis semblent partagés entre ceux qui pensent qu'il est trop tôt pour savoir si le système a déjà basculé ou pas dans un état où la banquise arctique d'été sera réduite à quelques glaçons encombrant les passages maritimes et si les moyens d'inverser la tendance existent ou non.