En réalité, le président a mis la France en perspective, car c'est la politique économique de la France d'après-crise qu’il a tenté de décrire, proposant au passage un «nouveau modèle de croissance», une vraie révolution en fait puisque le capitalisme ne serait plus dominé par la finance et l’économie serait cantonnée à son rôle, l’Etat privilégiant davantage le cœur de ce qui produit richesses et donc valeur ajoutée. Il l’a dit et répété : il donnera «une place plus grande au travail, aux entrepreneurs, aux inventeurs, à la production». Dont acte.
La réindustrialisation est enfin en marche, le seul moyen de jouer un rôle dans cet univers mondialisé et globalisé qui nous fait souffrir, socialement au moins, depuis déjà plusieurs décennies.
Surtout ne pas attendre
«Notre avenir se décide maintenant» a également insisté le président de la République, justifiant le pas pressé avec lequel il entend définir les priorités de la seconde moitié de son quinquennat.
Ces priorités, celles sur lesquelles l'État devra investir, ont un coût. Et les moyens dont dispose le pays demeurent aujourd’hui encore insuffisants. De ce constat sera nourrie bien sûr la réflexion de l’exécutif, ce sera même, selon lui, «le premier travail du nouveau gouvernement», évidemment en liaison avec le Parlement et – voilà qui est nouveau - les partenaires sociaux !
Ce grand chantier, il veut conduit avec célérité mais sans se départir de la nécessaire concertation qui doit précéder les arbitrages, parfois douloureux, qui seront à faire. Les responsables économiques, les acteurs du monde de la culture, de la recherche, de l'éducation seront donc consultés. Et vite ! Car le chef de l'État se donne trois mois. Pas davantage.
Distinguer le bon grain de l’ivraie
Christine Lagarde, dans les couloirs de Versailles, s‘est déclarée prête à «sortir les calculatrices pour voir ce que sont les bons investissements». Mais le sillon agraire est déjà dans le discours de Nicolas Sarkozy : recherche, santé, innovation, formation professionnelle, développement durable, économie numérique… les voilà les grands chantiers !
«La rigueur a toujours échoué»
«Je ne ferai pas la politique de la rigueur parce que la politique de la rigueur a toujours échoué» a rétorqué Nicolas Sarkozy à ceux qui lui prêtaient cette intention. Certes, avec le tremblement de terre financier, le déficit public a enflé, pour atteindre plus de 7 % du PIB cette année et sans nul doute l'année prochaine. Mais il doit refluer ensuite. Il s’y est engagé. Et les contraintes européennes l’imposent.
Réformer, encore réformer, toujours réformer
Pour parvenir à ses objectifs, clairement tracés, Nicolas Sarkozy n’a pas craint d’évoquer les réformes institutionnelles au rang desquelles figure, comme le suggère le rapport de la Commission Balladur, la réduction du nombre d'élus locaux mais aussi parallèlement la poursuite de l'allégement des effectifs de la fonction publique. Et pour couronner le tout, il annonce même une nouvelle réforme des retraites. Dès l'an prochain. La rue lui dira si son pas pressé est compatible avec l’humeur de nos compatriotes. Toujours est-il que le chef de l'Etat est conscient que son action à court terme va créer du déficit qu’il faudra résorber une fois la croissance retrouvée, sans comptes d’apothicaires, «en y consacrant l'intégralité des recettes de la croissance» a-t-il dit, solennellement. Cette démarche est productrice de prospérité à terme et donc les mesures immédiates ne sont qu’un «déficit qui prépare l'avenir». La logique macroéconomique tient parfaitement la route mais le distinguo entre bon et mauvais déficit risque d’échapper aux technocrates de Bruxelles et les laisser de marbre...
Rien sur le résultat des européennes et la poussée - significative et regrettable - de l’écologie politique. Car, au bout du compte, alors qu’il faudrait baisser les prélèvements, on ne nous annonce que des taxes, carbone ou climat, soit des impôts nouveaux qui ne vont sauver ni la planète ni nos grands équilibres stratégiques, industriels et économiques.
La Burqa, non grata dans la république
Enfin, s’agissant du voile, la burga qui a enflammé la classe politique, le président de la République a estimé que cela ne faisait que soulever un «problème de dignité et de respect de la femme» et que «ce n'est pas un signe religieux, c'est un signe d'asservissement (…) Elle ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française». Une manière claire et nette de trancher. Mais il laisse le soin au Parlement d’étudier l'opportunité d'un texte de loi sur cet épineux sujet.
La lutte contre les discriminations sera poursuivie. Les excès de tous types seront vigoureusement combattus, citant, au passage, la volonté de voir aboutir sans délai la loi Hadopi, fût-elle remaniée.
Le moment était solennel. Il était également historique. Que l’on soit ou non d’accord avec le président, dont la légitimité ne peut être remise en cause, l’exercice difficile auquel Nicolas s’est prêté a au mois le mérite de ne pas s’ancrer dans nos clivages politiques surannés. La mise en perspective, à terme, d’une France remodelée, est une première. Pour toutes les personnes nées … après 1875 !