Les hémicycles des deux chambres sont interdits d'accès au président de la République depuis… 1875 ! Cette interdiction fit suite aux affrontements qui sévirent entre l’Assemblée à l’époque encore monarchiste et le président d’alors, Adolphe Thiers, considéré comme républicain et qui, de ce fait, ne pouvait faire qu’envoyer un message, un message lu –sans mauvais jeu de mots – par un tiers et lu à la représentation national. Sans débat.
Pourtant, chacun sait que durant la campagne présidentielle, l’an passé, et même depuis son élection, Nicolas Sarkozy a toujours exprimé le « souhait que le président puisse s'exprimer au moins une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action et pour rendre compte de ses résultats », une manière, selon le chef de l’Etat d’exprimer autrement et de façon moderne « un engagement fort et la mise en jeu d'une forme de responsabilité intellectuelle et morale ».
Arcboutés sur de vieux démons, plus conservateurs que jamais mais sans l’avouer et préférant justifier ce refus au nom de la séparation des pouvoirs, la gauche en a fait un vrai cheval de bataille, contre quoi ? Allez savoir ! Et les motivations varient en fonction des sensibilités politiques puisque cette disposition passe également assez mal dans la majorité et particulièrement chez les gaullistes, eux y voyant davantage une forme d’« abaissement » du Premier ministre, alors que le dessein est tout autre mais sans doute en rupture d’avec l’esprit qui conduisit à notre Vème République, en 1958, il y a un demi-siècle ...
Finalement et pour faire bonne figure face à ce tollé presque anachronique, alors que le texte initial prévoyait un droit d'expression devant le Parlement ou devant chacune des deux chambres, la commission des Lois a trouvé une « sortie par la haut », selon elle, en limitant la venue du président au seul Congrès à Versailles, sans périodicité, sans droit ni devoir finalement.
Avec cette poire coupée en deux, ni la droite, ni la gauche, finalement plutôt sceptiques, ne voient d’avantage à ce que l’on appelle déjà « le compromis versaillais ».
Et si Bernard Debré ne "voit pas l'intérêt" de l’initiative de Nicolas Sarkozy, arguant que "le président peut déjà s'adresser à la Nation par la télévision et (qu’)aucun ne s'en est privé", en revanche, la fidèle soldate du Président, Rachida Dati a clairement jugé cette « restriction à une venue du président comme obsolète ».
Les vieux caciques du Palais Bourbon et du paysage politique sont allés jusqu’à comparer l’initiative élyséenne au discours du trône de la reine d'Angleterre ou encore, selon Hervé de Charrette, à une « déclaration de politique générale » faisant du président, en venant devant le Parlement, un « super chef du gouvernement » ! Certains socialistes craignent que cette disposition n’infantilise ou ne domestique le Parlement là où les Verts, selon Noël Mamère, y voient davantage une « opération politicienne ».
Comme si le seul dessein, la seule ambition de M. Sarkozy, n’étaient que de pénétrer dans ce lieu sacré !
François Bayrou, président du MoDem, fidèle à lui-même, n'y voit lui "ni une formidable avancée, ni un formidable recul" ; au moins, avec une telle analyse, on progresse …
Il faudra quand même, quoiqu’en pensent les uns et les autres, réfléchir un jour, une bonne fois, et au-delà des enjeux politiciens et de la modernisation de nos institutions, aux cas critiques qui nécessitent ce lien finalement « organique » lors de moments ou de circonstances qui requièrent une venue du président à l’instar du terrorisme, de faits de prince ou tout simplement de l'engagement de nos troupes à l'étranger …
Mais pour en arriver à cve pragmatisme-là, il faudra, sans doute, changer aussi de République !