Plus concrètement, des dizaines voire des centaines de milliards d’euros ou de dollars étaient en jeu pour savoir si le billet vert allait dévisser encore par rapport à la monnaie européenne et cette partie de Monopoly qui mobilisait des fonds énormes appartenant à tout le monde et personne à la fois, pris sous forme souvent de warrants c'est-à-dire d’options, ont permis à certains baissiers de « toucher la timbale » là où presque tous les acteurs eux se trouvaient en pertes immédiates et sans possibilité d’honorer celles-ci.
Les mêmes absurdités pouvaient également être observées sur les taux d’intérêt, sur les indices boursiers, autant de faux actifs sur lesquels une banque de détail ne devrait pas être autorisée à spéculer et pour les établissements financiers qui en auraient la faculté, ce serait à condition qu’ils aient mis en place la nécessaire couverture d’untel risque. Ce fut malheureusement le cas ni pour les uns, ni pour les autres.
Depuis, les Etats, déjà endettés, ont accru encore davantage leurs engagements en mettant sur la table des milliers de milliards de dollars pour éviter le syndrome de 1929 qui guette toujours, malgré tous les efforts consentis, à nos portes.
Une autre question se pose et reste toujours sans réponse, une question qui crée une gêne mal dissimulée par l’exécutif d’aujourd’hui comme d’ailleurs aussi les socialistes qui furent aux affaires naguère : qui sont donc ces créanciers de la dette publique française auxquels chacun de nos compatriote doit en moyenne une année à une année et demie de salaire ? Or, sur le sujet, pourtant là bien réel, motus et bouche cousue ! On préfère politiquement monter du doigt les traders et leurs bonus. C’est assez logique ! Il n’y a pas de gloire à tirer d’avouer à qui l’on doit ces sommes préférant habilement déplacer la question sur les déficits qui sont pourtant, conjoncturellement, parfois nécessaires pour relancer une économie ou endiguer une spirale de déclin.
Le virtuel a repris le dessus puisque plus qu’avant les banques ont spéculé, à un niveau jamais atteint, pour pouvoir rembourser au plus vite l’argent public prêté par les Etats et ainsi reprendre la main, restaurer leur statut, leur image et surtout « se refaire » … Et à 100% dans le virtuel puisque l’économie réelle n’apporte pas suffisamment d’effets leviers pour de tels enjeux.
Dans le même ordre d’idées, l’Europe des 27 s’est construite sur l’autel d’un optimisme idéaliste et utopique, partant d’un principe simple mais ô combien discutable que le fait d’avoir une monnaie unique créerait les conditions permettant de former un bloc faisan jeu égal avec les autres grandes places financières, pour en quelque sorte « voler la vedette » au billet vert.
Le cas, dramatique, de la situation en Grèce monter que les politiques publiques sont plus fortes que la monnaie unique et le plan de sauvetage de 110 milliards d’euros sur trois ans adopté par l’Union n’est que la première marche d’un escalier qui conduit droit en enfer. Or, en gravissant peu à peu les marches de cette échelle irréelle autant qu’utopique, nos dirigeants croiseront fatalement sur leur chemin le Portugal, puis l’Espagne et d’autres encore au secours desquels il ne sera plus possible de voler. Soyons clair : le plan de sauvetage de 110 milliards d’euros est un acte politique majeur pour éviter à tout prix que le drachme ne refasse surface et qu’ainsi soit créée une situation que les eurocrates ne veulent pas, celle d’une monnaie commune versus la seule possibilité dans leur esprit étroit d’une monnaie unique et forte.
Pourtant, en pouvant à nouveau battre monnaie, qui à s’endetter davantage, à créer de l’inflation, … la Grèce eût pu se soustraire à l’Union la tête haute le temps pour elle de redresser ses finances dont le piteux état n’est que le résultat d’une politique folle conduite durant des années et contre laquelle personne n’a jamais protesté.
En revanche, face au réel, celui de la rigueur, du blocage des salaires, des augmentations des prélèvements, l’euro n’a en Grèce de valeur que celle d’être un indicateur virtuel, aujourd’hui soutenu à bout de bras par le couple franco-allemand qui dans ce contexte particulier n’a finalement fait que reculer pour mieux sauter...
Bernard Marx