Une vision claire en trois points
Primo, bien qu’il n’ait aucune affinité pour le président élu, il lui reconnaît des qualités qu’il qualifie lui-même d’« historiques » et tout particulièrement celle d’avoir su fusionner les droites décomplexées en un mouvement uni et unitaire rassemblant bien au-delà de son propre camp. Le processus historique, souligné par M. Hollande, est détaillé avec soin, il s’appuie au passage sur d’autres références de notre Histoire où quelques présidents d’exception ont pu et su créer cette alchimie. Le doute n’existe pas : François Hollande a de l’admiration pour son adversaire et ne serait-ce que pour cette raison, il le respecte, au-delà de la fonction présidentielle.
Secundo, le patron du PS qui fêtait là ses dix ans à la tête du « parti d’alternance » n’a pas voulu aller dans le même sens que son « camarade, Dominique Strauss-Kahn, jugeant que lui seul ne pouvait endosser les chimères de la gauche, une gauche décomposée et fracturée où le PS et les Verts ne représentent presque plus rien, une gauche qu’il veut populaire et républicaine tournant le dos aux extrêmes mais aussi une gauche qui désormais doit tirer les leçons de son propre passé comme des réussites et des échecs des autres grandes démocraties où les « travaillistes » ont mieux su que chez nous accéder ou se maintenir au pouvoir. Bref, François Hollande veut bien assumer un bilan mais pas en payer la totalité des pots cassés car les périmètres ont bougé, se sont modifiés et la seule solution, à gauche, serait de parvenir à faire ce que M. Sarkozy a mis cinq années à réussir à droite, en créant l’union, en abordant, sciemment, volontairement, les vieux sujets tabous, en déplaçant du même coup les curseurs de l’opinion comme des sympathisants vers un choix finalement binaire entre une gauche décomplexée, moderne, porteuse d’un projet et une droite, moins conservatrice qu’au siècle passé, moins libérale qu’auparavant mais qui resterait, selon lui, « l’adversaire à abattre » pour les petites gens et les gens de peu.
Tertio, M. Hollande a su dresser un portrait sans concession à ses camarades, y compris sa compagne déjà en campagne, de ce que sera la gauche de demain, une gauche à réinventer, une gauche dont il faudra redéfinir les valeurs, le programme, les forces, une gauche capable de fédérer et rassembler au-delà de ses frontières historiques profitant de l’occasion qui lui était ainsi donnée de justifier les succès passés de sa famille politique par la division de la droite bien plus que par la capacité de sa famille à s’unir, sauf en 1981, la seule fois qu’une véritable union de la gauche se soit posée en concurrente d’une droite fragilisée parce que divisée. M. Hollande a été parfaitement clair et donc promet à sa formation, à ses amis, une longue et douloureuse traverse du désert, car les valeurs de la gauche mitterrandienne ne rencontrent plus d’écho dans le pays, car les travailleurs et les masses populaires, le prolétariat des années 2000 n’a plus rien à voir avec les références habituelles et les clichés historiques.
Au final, en quelque quatre-vingt-dix minutes, le Premier secrétaire nous aura fait regretter qu’il ne se soit pas, lui-même, en lieu et place de sa compagne à la ville, présenté et ait donc sollicité les suffrages des français. On quittait finalement, au terme de l’émission, un homme posé et réfléchi qui a avoué s’être laissé enfermer et piéger par des traditions et habitudes devenues obsolètes voire contre-productives.
Les amis de Madame Ockrent, plutôt enclins à la sympathie à l’endroit de François Hollande et ses amis en étaient à la fois ébaubis par la démonstration qui leur était proposée et agacés par cette perspective de se voir, eux aussi, être condamnés à résister, à militer dans une opposition républicaine en panne d’idées - le comble pour des personnes qui se veulent être des intellectuels ! – au cours d’une longue et dure période à venir …