Acte II : de débat il n’est pas vraiment question, les protagonistes ne pouvant, selon les règles du jeu adoptées in fine, s’interpeller directement. Les spectateurs de la mise en scène, au demeurant bien faite, n’auront donc comme os à ronger que les déclarations et soliloques du triumvirat des années 80 à 95. Fausses pudeurs et flagorneries hypocrites se succèderont donc durant ces longues, très longues déclarations faites d’évidences selon lesquelles rien ne sera possible sans la croissance et – occultant au passage tous les points concernant la fiscalité et les prélèvements sociaux – grâce à cette croissance que jadis ils gâchèrent en commun ils en répartiraient les fruits selon des préceptes désormais désuets sinon surannés. Comment peut-on encore aujourd’hui faire avaler à quelqu’un normalement « câblé » que le pouvoir politique national peut changer la donne des fondamentaux mondiaux de l’économie résultant de l’interdépendance d’une mondialisation devenue irréversible ?
Comment peut-on avoir l’outrecuidance de critiquer à ce point ce qui a été fait alors que l’héritage laissé a, en 2002, donné lieu au second tour historique que l’on sait ? Comment enfin ne pas sourire devant ce spectacle presque surréaliste de politiciens aguerris qui devant la crédulité de leurs sympathisants s’arrogent des pouvoirs qu’ils n’ont plus depuis longtemps leur permettant de faire des promesses dont on sait qu’elles seront conditionnées par des facteurs qu’ils ne peuvent maîtriser ?
Acte III : le plus à gauche était à droite mais pas si maladroit que cela, jouant la carte politique d’un « à gauche toute » reprenant ainsi la logique de son père en politique au moment où le programme commun avait encore un sens. Lui s’est trompé de camp. Ses propos sont clairs et bien étayés mais sa stratégie n’est pas gagnante, loin s’en faut. On a l’impression face à cette tête bien pleine et bien faite d’un immense gâchis sur l’autel d’une ambition.
Au centre brillait une lumière dont les qualités oratoires comme l’intelligence des propos rendaient falote toute déclaration contradictoire. Convaincant, pédagogue, rassurant, DSK en a étonné plus d’un mais ses origines risquent de lui coûter cher dans le choix final qui sera opéré. Le modèle de sociale démocratie que nous propose l’ancien locataire de Bercy pourrait pourtant largement dépasser les frontières de son camp, tendant ainsi la main à une droite modérée qui aspire, comme bien des françaises et des français, à une grande coalition nationale comme ont su le faire nos amis et voisins d’outre-Rhin. Il est dommage qu’à peine le rideau tombé, les commentateurs, éditorialistes et autres « bien pensants » de gauche l’aient à ce point vilipendé.
Enfin, à gauche se tenait la plus maladroite des trois, plutôt gauche dans ses déclarations, presque niaise dans ses réponses à des questions d’une rare évidence. Gauche et à gauche elle est, sans nul doute. Mais elle n’a pas fait la démonstration de sa capacité à proposer, à construire, à gouverner, hormis de banals « yaka » suivis des logiques « fokon ». Fade, mal à l’aise, en particulier sur le sujet clé des 35 heures, la seule femme du triumvirat n’avait que cet atout pour elle, un atout ressenti quand même clairement par les observateurs politiques honnêtes comme un gamète de trop.
Epilogue : au terme des échanges, rendez-vous a donc été pris pour deux autres débats qui sans doute confirmeront les impressions dégagées par le premier d’entre eux, deux rendez-vous que Madame Royal, en dépit de ses menaces, a finalement acceptés, tant la bonne humeur d’apparat qui régnait sur le plateau l’avait envoûtée. L’institutionnalisation de ces primaires donne une leçon de démocratie à un pays par tradition demeuré trop Jacobin. En revanche, il faut garder la distance qui s’impose, face à cette sélection interne à un parti qui sait communiquer, il faut garder la tête froide face à ces prétendus présidentiables dont un seul semble en avoir réellement la stature. Il faut enfin et surtout par ce premier débat de primaire à gauche prendre acte de la fin d’une époque, du dernier soupir de la Vème République qui dans ses règles et son fonctionnement avait toujours prévu que l’élection présidentielle serait un grand rendez-vous, direct, entre une personne et les Français …
Rideau.