Outre les médicaments visés par cette circulaire en préparation, le ministère voudrait donc instaurer un nouveau palier de remboursement, à 15% pour une liste de médicaments, initialement 200, mais qui, fatalement, s’allongera au fil du temps, la « bonne vieille sécu » ayant des problèmes chroniques et structurels de financement.
Ce principe n’est guère acceptable. Car cela va faire exploser les tarifs des mutuelles complémentaires. Et, inévitablement mettre en grande difficulté de vrais malades pour lesquels les principes actifs sont indispensables à leur maintien en activité professionnelle parfois, ou simplement en forme suffisante pour faire face au quotidien dans d’autres cas.
Que l’on « fasse le ménage » dans l’arsenal pharmacologique à la disposition des professionnels de santé, ce n’est pas sur le fond critiquable car de sérieux progrès ont permis de trouver de nouvelles molécules plus efficaces que d’autres, de mettre en évidence l’addiction dont certains pouvaient être victimes avec des psychotropes. En revanche, en aucun cas, cela ne justifiait cette coupe sombre dans le taux de remboursement de produits différents de ceux de confort dont la plupart a d’ailleurs déjà été totalement déremboursée.
En privant les assurés sociaux d’un remboursement digne, pour des médicaments qui tous ont obtenu, il y a des années, des autorisations de mise sur le marché (AMM) dans des spécialités qui touchent la gastroentérologie, la neurologie, la phlébologie, … c’est les exposer, parce qu’ils n’auraient pas les moyens de compléter les 85% restants, à des risques qui mettent en jeu la responsabilité de l’Etat.
Sans être fin connaisseur des principes pharmacologiques visés par le ministère, il y a des noms et des marques qui parlent à tout le monde ou presque : le Valium®, le Débridat®, le Duspatalin®, le Tanakan®, l’Azantac®, l’Hexomédine®, la Lamaline®, le Myolastan®, le Noctran®, le Praxilène® ou le Sibelium® … tous font partie des pharmacies familiales de nombreux citoyens confrontés ici à de l’hyperacidité gastrique, là à des douleurs duodénales, d’autres ayant de temps à autres besoin d’une aide ponctuelle pour dormir, gérer leur stress, leurs douleurs, leurs vertiges d’origine vestibulaire, …
On n’est plus dans le registre du paracétamol ou de l’aspirine pour les douleurs banales. Ni face à des crèmes ou substances qui, c’est vrai, apportent davantage de confort qu’elles ne soignent.
Ces médicaments cités ont toute leur place dans l’arsenal thérapeutique de n’importe quel médecin de ville. Or celui-ci devrait dès lors, par exemple, prescrire l’onéreux inhibiteur de la pompe à proton parfois moins efficace que la Ranitidine® pour soulager un assuré social en proie à des douleurs gastriques ? Quelle hypocrisie et quel gâchis !
Le calcul est mauvais. L’impact psychologique, au-delà de celui financier, l’est tout autant et sera important de même qu’au moins partiellement justifié.
Nous n’avons pas à payer les erreurs de gestion des uns et la surfacturation des autres. En revanche, débusquer ceux qui fraudent la sécu permettrait de remonter le taux de l’ensemble des médicaments remboursés à un niveau tel que les assurances complémentaires baisseraient. Et les sommes en jeu sont sans proportions.
En cherchant à imposer ces vignettes roses à 15% aux laboratoires, le ministère de la Santé, sciemment, prive les laboratoires, déjà moins à l’aise depuis que les génériques les privent d’une partie de leurs ressources, de leurs vaches à lait permettant de financer la recherche fondamentale et appliquée pour que sortent de nouveaux médicaments alors que se multiplient les pathologies dites « orphelines » et que tant de moyens manquent encore à la thérapie génique !
Comment motiver les chercheurs et les laboratoires qui doivent mettre à leur disposition des moyens toujours plus coûteux et complexes quand par avance on sait que le produit statistiquement ne pourra être amorti ?
Certes un délai a été consenti aux laboratoires pour qu’ils motivent – données épidémiologiques à l’appui – le bien fondé de leur molécule dans le traitement des indications pour lesquels ils avaient pourtant reçu la précieuse AMM. Sans grand talent divinatoire, tous ou presque seront retoqués. Et les 15% passeront. En revanche, ceux qui auront pris cette mauvaise décision, plus politique qu’économique, eux, ne repasseront pas. Les bulletins de vote seront passés par là …