Comment ces gens qui pesaient 30% et plus dans les élections nationales et locales ont-ils pu à ce point casser la baraque ? Comment ces leaders d’opinion, ces personnages parfois truculents et charismatiques ont-ils pu laisser partir à volo ce qui fut au cœur des grands mouvements populaires et des grandes avancées sociales de notre pays ? Si j’étais communiste, plus que de l’avoir mauvaise, j’en aurais les larmes aux yeux, la gorge nouée. Je serais, franchement, écœuré. Pire encore : je me sentirais terriblement seul. Isolé. Sans perspective. Sans devenir.
Si j’étais communiste, je vivrais mal ces effets de manche de tous ces ratés qui sont venus enfler les rangs d’une gauche qui a toujours échoué, ou presque, dans sa mise en application de ses programmes lorsqu’elle a eu, pourtant à plusieurs reprises, l’opportunité d’être aux responsabilités.
Si j’étais communiste, je serais un mouton égaré dans ce paysage politique aux reliefs tant escarpés me sentant finalement plus proche des apôtres populistes qui se veulent populaires que de ces intellectuels « bo bo » qui n’ont que l’argent des autres pour servir leur prétendue générosité.
Si j’étais communiste, je ne ferais pas la révolution et ne serais nullement attiré par ce vent qui souffle et qui porte note célèbre postier anticapitaliste et trotskiste. Non ! Lui, comme les autres, posent parfois les bonnes questions mais lui aussi, comme tous les autres, se trompe dans ses analyses, et donc dans les remèdes qui pourraient nous permettre de revenir à ce qui fait la grandeur d’un communisme moderne qui ne peut ressusciter qu’en mêlant subtilement tolérance et autorité, un communisme réformé qui saurait, enfin, se remettre en permanence en question plutôt que de faire porter le chapeau à celles et ceux qui l’incarnent lorsqu’il a échoué.
Si j’étais communiste, je serais, comme tant d’autres d’ailleurs, éberlué par les remèdes qu’apportent les gouvernements des pays développés, tous au chevet des milieux financiers, un « panier de crabes » qui s’est durant des années largement servi de nos petites économies pour spéculer sur un terrain virtuel sans jamais s’intéresser, plus que cela, à l’économie réelle. Le résultat ? Après le tapis vert, la lanterne rouge …
Si j’étais communiste, je ne brandirais pas ce poing en l’air pour menacer le grand capital ni les nantis car avec la mondialisation les repères ont changé et leurs repaires, à ceux-là, aussi.
Si j’étais communiste, je m’insurgerais de voir des dizaines de milliards débloqués pour restituer pour partie aux marchés leur liquidité sans que ne tombent en série les têtes de ceux qui ont fauté alors que d’argent public il n’y a plus sauf à créer du déficit et de la dette, alors que lorsque des groupes industriels doivent adapter leurs effectifs et leur outil de production à une demande qui change, rien ne permet de trouver aussi vite et aussi bien les solutions humaines adaptées et sans que jamais le modèle industriel qui prévaut ne soit remis en cause.
Si j’étais communiste, je serais tenté de voir restaurées les valeurs d’une société en pleine mutation, de voir être créées les conditions d’une philosophie généreuse mais réaliste, solidaire mais inflexible, protectrice mais avec des contreparties.
Si j’étais communiste, comme le disait Talleyrand, je serais convaincu qu’« on ne fait de la bonne politique qu’en pratiquant bien la théologie » et que, finalement, si j’ai écrit toutes ces lignes et nourri à travers elles tant d’espoir et de craintes, formé tant de vœux et exprimé tant d’attentes, c’est aussi – paraphrasant encore cet homme politique et diplomate, député et ambassadeur durant la Révolution française, cet homme d’influence devenu président du Conseil des ministres sous la restauration, celui que l’on surnommait « le diable boiteux », parce qu’« il faut toujours se méfier d’une première impression … car c’est la bonne » et « si cela va sans dire … c’est encore mieux en le disant ».
Mais je ne suis ni communiste, ni populiste, ni révolutionnaire. Je ne suis qu’un humble citoyen en quête de repères et qui se pose, comme tout le monde, des questions qui, dans le contexte actuel, deviennent existentielles. Pour moi-même comme pour la collectivité.