Aujourd’hui, tout se sait. Tout de suite. Immédiatement. Presque toujours à l’avance …
On nous avait fait un pataquès de la « vraie-fausse » interview de PPDA mais ce n’était, déjà à l’époque, qu’une goutte d’eau dans un tonneau des Danaïdes !
Nous sommes face à un puits sans fond et tous les responsables politiques, tous les chefs d’entreprises, tous les syndicalistes, tous ceux qui, de près ou de loin, ont de l’influence ou du pouvoir, se prêtent à ce petit jeu dangereux.
Pas un jour ne se passe sans qu’il y ait moult conférences de presse et le contenu de celles-ci est disponible sur le Web ou parfois même à la radio ou à la TV au moment précis où elles démarrent !
Prenez les candidats à la présidentielle : avant même leur déclaration solennelle la Toile se fait l’écho de déclarations non encore proclamées, la TV et la radio y vont de leur « pronostic » sur le contenu alors qu’ils disposent déjà d’une copie « sous embargo » du discours de tel ou tel.
Le « couac » de l’engagement du ministre de l’Intérieur au sein d’une partie importante des titres de la PQR en est un bon exemple. La déclaration solennelle dans ses terres de François Bayrou en est un autre car, par hasard, tous les médias étaient présents.
Ce qui est vrai en politique l’est aussi dans l’industrie et les services. Certains éditeurs nous parlent de produits logiciels deux ans avant leur sortie effective et celui qui ne sait pas tout d’avance passe pour un vrai ringard.
Sur un autre registre, lors de la première guerre du Golfe, les attaques des Alliés se voyaient en direct, notamment sur les ondes de CNN. Un drôle de jeu vidéo dont l’impact sociologique – pour ne pas dire psychiatrique – est aujourd’hui reconnu chez les jeunes où les esprits influençables.
Les vœux auxquels nous auront droit, le 31 décembre, de la part du chef de l’Etat, seront, sans doute, enregistrés à l’avance et le prompteur que lira Jacques Chirac aura déjà été transmis à la plupart des rédactions des grands médias.
En fait, à force de communiquer, de prévoir, de vouloir imposer une ligne d’idées sinon idéologique, on a vraiment l’impression de vivre sa vie … en constante avant-première !
Tout ce que l’on voit, tout ce que l’on entend, tout ce que l’on lit n’a pas encore eu lieu mais est sur le point de se dérouler. Quand on y réfléchit, cela fait froid dans le dos.
Car l’influence néfaste de cette pensée unique pèse sur une démocratie fragilisée.
Car l’alternative à ce « magma institutionnalisé » ne représente que de suprêmes dangers, des plats que l’Histoire nous a déjà servis aux prix de millions de morts.
Il ne reste plus guère que la blogosphère pour instiller un soupçon d’humanité dans ce qu’il reste de démocrate et de républicain dans nos organisations, nos institutions, nos administrations.