La question n’est pas finalement de savoir si le pays, un an après une élection présidentielle qui a passionné et fortement mobilisé a basculé. Non, assurément, la question est toute autre. Elle est à la fois conjoncturelle et comportementale.
Elle est effectivement conjoncturelle car la hausse du prix du pétrole, la chute des bourses, l’inflation galopante que l’on tardera inévitablement à combler sont autant de mauvaises nouvelles, au plan international, qui viennent largement obérer les ambitions du Président et surtout les chances de succès du gouvernement, même si, nous dit-on, la zone euro devrait moins souffrir que d’autres d’un repli prononcé du dollar et de sa zone d’influence économique et industrielle.
Elle est en outre comportementale car nos compatriotes, d’où qu’ils soient et quelque soit leur sensibilité et/ou leurs convictions, constatent avec dépit un syndrome de surdité chez leurs élus nationaux qui, droits dans leurs bottes, interprètent le message envoyé dimanche dernier comme une volonté d’aller encore plus vite, encore plus fort, encore plus loin dans les réformes telles qu’elles furent annoncées par Nicolas Sarkozy avant son élection à l’Elysée.
« Je ne mentirai pas et ne vous trahirai pas » s’est-il sans relâche attaché à répéter lorsqu’il était en situation de solliciter la confiance des électrices et des électeurs l’an passé. Hors, parmi ses engagements figuraient des signes clairs de moralisation de la vie politique comme par exemple sur les nominations. Or, après un feuilleton de série B pour l’investiture à la mairie de Neuilly, le couard Martinon désavoué sur le terrain comme dans son propre camp va sans doute hériter d’un placard on ne peut plus doré outre-Atlantique comme plénipotentiaire dans un domaine qu’il ne connait nullement mais dans lequel il excellera sans doute à ne rien faire. Idem pour Georges-Marc Benamou qui va quitter l'Elysée pour … la Villa Médicis, excusez du peu ! Hériter de la direction de l'académie de France à Rome n’est pas franchement un purgatoire et l’un et l’autre eurent pu regagner leurs pénates d’origine ou se voir être affectés dans une lointaine sous-préfecture au sein de laquelle le contact avec le terrain eût pu leur ouvrir les yeux …
Sanctionné par les électeurs, le chef de l’Etat n’est pas le seul à faire l’objet de critiques acerbes de la part du peuple de France : avec 63% de mauvaises opinions (en hausse de 5 points) contre 34% de bonnes (en baisse de 2 points), le mécontentement sur la politique économique du gouvernement s’accroît encore un peu plus ce mois-ci ; aujourd’hui, seuls un tiers des Français (34%) juge « bonne » la politique économique du gouvernement contre un peu moins des deux tiers qui la jugent « mauvaise » (63%). Avec 2 points de moins en bonnes opinions et surtout 5 points de plus en mauvaises, le niveau de répartition actuelle des opinions est le strict inverse de ce qu’il était lors de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée en mai 2007 (62% de bonnes opinions et 30% de mauvaises). Et pourtant le Premier ministre est et reste populaire. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher l’erreur …
De plus, les anticipations sur les événements économiques à venir, pour 2008, sont extrêmement pessimistes; l’idée du plan de rigueur à venir, avancée par la gauche, réfutée par la droite, était pourtant, selon un sondage fait à la veille du second tour, bien présente dans les esprits des électeurs avant le vote.
Désormais, la France est coupée – nettement – en deux : il y a, d’une part, une minorité essentiellement composée de retraités qui juge que c’est une demande d’accélération du rythme, tandis qu’une majorité, très nette, auprès des actifs et des salariés, qui pense en revanche qu’il faut changer de cap et faire « plus de social » et de « défense des services publics ».
La roue tourne. Et dans le mauvais sens. Sous les foudres des politologues d’abord, des médias ensuite, des citoyennes et des citoyens enfin, l’exécutif est plus fragilisé que jamais. Seul un retour à la confiance et à la cohésion nationale pourra inverser une telle spirale destructrice. Mais il faudra, pour cela, ôter strass et paillettes, notamment à une politique d’ouverture, sans doute de prime abord séduisante mais qui dans les faits n’a apporté aucune valeur ajoutée si ce n’est celle venant confirmer que toute forme de cohabitation finalement, était à proscrire …
Bernard Marx