Enfin si la grève du 14 novembre est plus impopulaire que jamais, les Français sont très pessimistes, considérant qu’elle annonce un futur mouvement d’ampleur risquant de paralyser le pays comme en 1995
Après une chute spectaculaire de 7 points le mois dernier, les jugements favorables à la politique économique du gouvernement baissent encore de 4 points ce mois-ci.
En deux mois l'indice de popularité de la politique économique gouvernementale aura en tout dévissé de 11 points (en passant de +8 à -3).
Résultat : avec 46% de bonnes opinions, contre 49% de mauvaises, la politique économique gouvernementale est pour la première fois impopulaire avant même que les mouvements sociaux n'aient réussi leur (éventuelle) coagulation. Plus que le niveau actuel de popularité (quasiéquilibre entre avis positifs et négatifs), le plus préoccupant pour le gouvernement est que cette tendance lourde à la baisse s'explique autant par l'accentuation d'une fracture avec les catégories populaires que par le désaveu nouveau de « classes moyennes » autrefois plus « Sarkophiles » :
Voici plusieurs mois maintenant que les catégories populaires, tardivement converties au Sarkozysme, se montrent hostiles à la politique menée alors même qu'elles avaient bien voulu lui manifester temporairement une certaine confiance en mai dernier. La fracture ne fait finalement que s'accroître encore un peu ce mois-ci, les ouvriers étant désormais 59% contre 37% à désapprouver la politique économique conduite par François Fillon.
En revanche, le désaveu constaté auprès des professions intermédiaires (54% contre 40%) et des Français disposant de revenus moyens-supérieurs (58% contre 41%) est tout aussi nouveau que spectaculaire (en septembre dernier ces deux catégories sociales étaient encore une majorité de 57% contre 40% à la soutenir).
Désormais, en dehors des retraités (49% contre 44%) et des sympathisants de droite (72% contre 25%), les seuls à soutenir la politique économique du gouvernement sont les cadres supérieurs (58% contre 40%), et les Français les plus riches (59% contre 36%).
2 – Le bilan économique à 6 mois du Président apparaît décevant, les Français jugeant majoritairement que depuis son arrivée leur situation économique personnelle est restée inchangée quand elle ne s'est pas dégradée
Plus de 6 Français sur 10 (63%) considèrent que leur situation économique personnelle est restée inchangée depuis l'élection de Nicolas Sarkozy.
Pire encore, parmi ceux qui ont bien vu un changement, le négatif l'emporte très largement sur le positif : 32% des Français affirment que leur situation personnelle s'est dégradée depuis l'élection de Nicolas Sarkozy alors que seulement 3% estiment qu'elle s'est améliorée. Ces personnes se considérant, pour le moment, comme des « perdants du Sarkozysme » sont surreprésentées parmi les catégories les plus populaires (36% des ouvriers ; 40% des plus bas revenus ; 41% des moins diplômés) mais aussi parmi les travailleurs indépendants (38%). Bien plus que les mouvements sociaux actuels (Cf. point suivant), cette incapacité, pour le moment, à faire la preuve de son efficacité sur la situation économique des Français « plombe » structurellement la politique économique du gouvernement : les trois-quarts des Français (75%) jugeant que leur situation personnelle s'est améliorée ont une bonne image de la politique économique gouvernementale, et, inversement, les trois-quarts des Français jugeant que leur situation personnelle s'est dégradée (74%) en ont une mauvaise image.
Même s'il est vrai que peu de temps s'est écoulé pour déjà juger François Fillon et Nicolas Sarkozy sur des résultats (leurs popularités respectives de Président et de premier Ministre sont d'ailleurs encore positives), notons qu'à peine 1% des interviewés estime qu'il est encore trop tôt pour faire ce premier bilan (item de réponse non suggéré).
3 – Le mouvement social du 14 novembre est plus impopulaire que jamais, auprès de Français craignant une paralysie du pays comme en 1995
Nous testions le mois dernier le premier mouvement contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Ce mouvement du 18 octobre consacrait une « première » en était le premier mouvement social d'envergure nationale à être jugé « injustifié » par une majorité de Français (53% contre 43%). Depuis, son impopularité s'est encore renforcée pour s'établir à 55% contre 44% de Français ne justifiant pas ce mouvement. Cette spectaculaire désaffection concerne l'ensemble des catégories de la population, y compris les plus hostiles à la politique gouvernementale et celles qui soutiennent habituellement le plus les mouvements sociaux : les ouvriers (55% contre 44%), les salariés du public (52% contre 47%), les Français les plus pauvres (50% contre 49%) sont eux aussi une majorité à juger désormais ce mouvement « injustifié ».
Mais comme nous ne cessons de le répéter, le succès ou l'insuccès dans la rue d'un mouvement social est totalement décorrélé de sa popularité dans l'Opinion.
Ainsi une immense majorité de Français (68% contre 27%) se montre extrêmement pessimiste, estimant que cette réforme des régimes spéciaux servira de déclencheur à de nombreuses grèves qui vont paralyser le pays comme en 1995. Tout se passe d'ailleurs comme si les Français anticipaient déjà depuis deux mois l'amplification actuelle des mouvements sociaux : ainsi, nous mesurions déjà en septembre dernier (avant l'annonce du premier mouvement de grève) une proportion comparable de Français se préparant, en réponse à la réforme des régimes spéciaux, à une paralysie généralisée (69% contre 28%).
4 – Les Français et le progrès dans les nouvelles technologies : l'espoir l'emporte sur la crainte, surtout auprès des plus jeunes et des plus diplômés
Ce climat économique et politique depuis longtemps fort pessimiste, qui s'était simplement estompé pendant l'Etat de grâce présidentiel de mai à septembre, pourrait faire craindre une forme d'appréhension de l'avenir, voire de refus du progrès de la part des Français. Il n'en est rien : une majorité relative de Français (50% contre 38%) perçoit aujourd'hui comme une source d'espoir, plutôt que de crainte le développement des nouvelles technologies. Sans grande surprise, on constate un très net clivage générationnel à ce sujet : alors que plus de 60% des 15-34 ans voient ces innovations comme une source d'espoir une majorité relative de plus de 65 ans (47% contre 36%) les voient plutôt comme une source de crainte.
On retrouve aussi à ce sujet le clivage habituel (on observe ce même clivage sur l'Europe, la mondialisation ou les réformes) entre ceux qui se perçoivent comme les gagnants et ceux qui se perçoivent comme les perdants du système : ainsi, l'espoir est très majoritaire auprès des cadres et professions libérales, des chefs d'entreprises (plus de 60%), des personnes les plus diplômées (58%) et de celles disposant de revenus supérieurs ou moyens supérieurs (59%), mais l'est beaucoup moins auprès des ouvriers (46% ont de l'espoir contre 40% de la crainte) et employés (49% contre 42%) ainsi que des Français les moins diplômés (33% contre 48%) et les moins riches (40% contre 44%).