Le Vice-Président de la Commission Européenne chargé de la concurrence Joaquín Almunia explique: "Les citoyens ont besoin de services publics efficaces et répondant à de vrais besoins. Il est légitime de recourir à des subventions pour compenser le coût du service public de desserte maritime de la Corse, qui permet d'atténuer les contraintes liées à l'insularité. Mais lorsque le marché peut répondre aux besoins des voyageurs dans les mêmes conditions, il est anormal d'utiliser l'argent du contribuable pour favoriser un opérateur particulier. Les règles de l'UE ne permettent pas seulement de préserver une concurrence saine ; elles garantissent aussi la transparence des financements accordés et le bon usage des deniers publics".
La SNCM et la CMN, opérateurs de services de transport maritime, assurent la desserte entre la Corse et Marseille pour la période 2007-2013 dans le cadre d'une convention de délégation de service public qu'elles ont signée avec la Collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de Corse. Dans ce contexte, ces sociétés perçoivent des compensations de service public. En plus d'un "service de base", assurant les dessertes fret et passagers tout au long de l'année, la délégation de service public englobe également un "service complémentaire", opéré par la seule SNCM, et destiné à couvrir les pointes de trafic de passagers.
Saisie d’une plainte d’un concurrent, la Commission a ouvert une enquête approfondie en juin 2012 (voir IP/12/703).
A son issue, la Commission considère que les compensations octroyées à la SNCM et à la CMN au titre du service de base sont compatibles avec les règles de l'UE. En effet, le service de base remédie à une véritable carence du marché et vise, dans le cadre d'une politique de continuité territoriale, à atténuer les contraintes de l'insularité en assurant des services réguliers de transport entre le continent français et la Corse. En outre, bien que la procédure d'attribution de la délégation de service public n'ait pas permis de garantir une concurrence effective, la Commission estime que les compensations au titre de ce service n'ont pas excédé ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets de la fourniture du service, et que les mécanismes permettant d'éviter une surcompensation sont suffisants.
En revanche, l'octroi de compensations pour le "service complémentaire" n'est pas justifié, dans la mesure où les opérateurs présents sur le marché étaient en mesure de répondre à la demande des usagers pour la période de pointe. Son inclusion dans le champ du service public contrevient donc au règlement 3577/92 du Conseil relatif au cabotage maritime, ainsi qu'à la pratique décisionnelle de la Commission en matière de services d'intérêt économique général. En conséquence, les compensations versées à la SNCM depuis 2007 au titre de ce seul service complémentaire ne sont pas conformes aux règles de l'Union en matière d'aides d'Etat et doivent donc être remboursées.
La Commission a évalué la mesure au regard des règles régissant la fourniture de services d’intérêt économique général (SIEG). Puisque la convention de délégation de service public en cause a été accordée avant l’adoption du nouveau paquet de règles de la Commission sur les SIEG (voir IP/11/1571), les dispositions transitoires du nouveau paquet s’appliquent en l’espèce. Pour toute compensation octroyée après 2013, les règles du nouveau paquet s'appliqueront pleinement.
Les États membres disposent d'une large marge d'appréciation en qualifiant un service de service d'intérêt général. Toutefois, la Commission doit s'assurer que le financement public octroyé pour la prestation de ces services n’entraîne pas de distorsion de concurrence indue sur le marché intérieur.
La version non confidentielle de la décision sera publiée dans le registre des aides d'État sous le numéro SA.22843 sur le site internet de la DG Concurrence, dès que les éventuels problèmes de confidentialité auront été résolus. Le bulletin d’information électronique intitulé «State Aid Weekly e-News» donne la liste des dernières décisions relatives aux aides d’État publiées au Journal officiel et sur l’internet.