La Cour y prend position sur la régularité, la sincérité et l'image fidèle de neuf séries d'états financiers (comptes de résultat, bilans et annexes aux comptes) :
• les comptes combinés des quatre branches (maladie, accidents du travail - maladies professionnelles, famille et vieillesse) et de l'activité de recouvrement du régime général ;
• les comptes annuels des quatre organismes nationaux concernés : caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ;
• les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
Les états financiers des branches du régime général retracent 403,3 Md€ de charges au total, dont 190,5 Md€ pour la maladie, 111,6 Md€ pour la vieillesse, 88,5 Md€ pour la famille et 12,7 Md€ pour les accidents du travail - maladies professionnelles. Par ailleurs, l'activité de recouvrement a mis en recouvrement 390,1 Md€ de cotisations, de contributions sociales et d'impositions, affectées aux branches du régime général, à d'autres régimes et organismes de sécurité sociale et à des tiers à ces derniers (notamment l'Unedic).
Depuis 2006, la certification des comptes s'inscrit dans une dynamique de progrès qui doit permettre d'aboutir, par étapes, à une certification sans réserve des états financiers. A cet égard, la Cour a souhaité adopter une démarche constructive d'accompagnement des efforts des branches, dont elle mesure le degré d'implication.
Dans le cadre de l'audit des comptes 2012, la Cour a continué à relever des progrès - inégaux selon les branches - et a pris toute la dimension de l'importance des chantiers que ces dernières ont engagés dans un contexte souvent difficile. Elle a aussi constaté que dans de nombreux domaines des évolutions restaient encore nécessaires afin d'élever le niveau de sécurisation des recettes et des dépenses et, ce faisant, de fiabiliser les comptes. Les différentes positions qu'elle a adoptées traduisent ces appréciations.
Comptes de la branche maladie et de la CNAMTS : certification avec réserves
La Cour certifie les comptes 2012 de la branche maladie sous quatre réserves (contre cinq pour 2011), et ceux de la CNAMTS sous trois réserves (comme pour 2011).
En dehors de celle qu'elle a pu lever (enregistrements comptables relatifs aux prises en charge de cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux), les réserves exprimées par la Cour se renforcent :
• absence fréquente des pièces justificatives permettant d'attester la réalité des soins donnant lieu à remboursement ;
• maîtrise insuffisante des risques d'erreur de calcul des prestations et représentation incomplète de ces erreurs ;
• manque de fiabilité des données prises en compte pour répartir une partie des règlements aux hôpitaux entre les différents régimes d'assurance maladie ;
• désaccords sur certaines estimations comptables (sous-évaluation des provisions relatives aux remboursements aux organismes étrangers de soins délivrés à l'étranger et surévaluation des produits à recevoir au titre du forfait social), à l'origine d'une amélioration injustifiée du résultat 2012 de la branche maladie, estimée par la Cour à 224 M€.
Comptes de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) : constat d'une impossibilité de certifier
Alors qu'elle avait refusé de certifier les comptes 2011, la Cour constate qu'elle est dans l'impossibilité de certifier les comptes 2012 de la branche AT-MP.
En 2012, la CNAMTS a comptabilisé pour la première fois des provisions au titre de l'incidence sur les produits de cotisations sociales des contentieux relatifs à l'application de la législation des AT-MP pendants en fin d'année (667 M€), ce qui marque un premier et réel progrès par rapport à l'absence totale de provisions en 2011.
Cependant, la Cour n'a pas été en mesure de recueillir les éléments probants suffisants et appropriés qui lui auraient permis d'écarter le risque que les données prises en compte pour évaluer les provisions soient affectées par des erreurs particulièrement significatives et que celles-ci aient des conséquences majeures et généralisées sur les comptes - tout particulièrement le résultat, déficitaire de 174 M€ - de la branche. Au regard des normes internationales d'audit, cet état de fait place la Cour dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes 2012 de la branche AT-MP.
Comptes de la branche famille et de la CNAF : certification avec réserves
Alors qu'elle avait refusé de certifier les comptes 2011, la Cour certifie avec quatre réserves les comptes 2012 de la branche famille, et avec deux réserves ceux de la CNAF.
En effet, le montant estimé par la CNAF des anomalies et des erreurs qui affectent les prestations légales servies par la branche et qui n'ont pas été corrigées en fin d'exercice, à un moment où le contrôle interne a produit la plupart de ses effets favorables, s'est fortement contracté (1,15 Md€ en 2012 contre 1,54 Md€ en 2011), du fait des actions cohérentes mises en œuvre pour fiabiliser les données relatives à la situation des allocataires. Pour autant, le dispositif de contrôle interne des prestations demeure pour partie inadapté et ne procure qu'une assurance partielle sur la maîtrise des risques ayant une incidence dans les comptes.
Comptes de la branche vieillesse et de la CNAVTS : certification avec réserves
Comme en 2011, la Cour certifie avec six réserves les comptes 2012 de la branche vieillesse, et avec trois réserves ceux de la CNAVTS.
Malgré les progrès engagés ou poursuivis par la branche en 2012, certaines réserves ont une portée inchangée par rapport à 2011 (notamment les incertitudes relatives aux données de carrière adressées par les organismes sociaux et les employeurs de salariés).
D'autres réserves se renforcent. En particulier, la fréquence et l'incidence financière des erreurs de calcul des pensions de retraite se sont fortement dégradées en 2012 : 9,1 % des pensions nouvellement attribuées sont affectées par une erreur de portée financière (soit une incidence financière de 0,84 % du montant total des droits), contre 7,5 % en 2011 (incidence financière de 0,69 %). Cette dégradation est concentrée sur quatre organismes de la branche. En outre, les produits de l'exercice intègrent une contribution de la branche AT-MP au titre des départs anticipés en retraite pour un motif lié à la pénibilité du travail (110 M€), qui couvre en réalité des charges de pensions des exercices futurs.
Comptes de l'activité de recouvrement et de l'ACOSS : certification avec réserves
La Cour certifie les comptes 2012 de l'activité de recouvrement avec six réserves (contre huit pour 2011), et ceux de l'ACOSS avec trois réserves (comme en 2011).
Même si elle a pu réduire le nombre de ses réserves, la Cour constate la persistance de difficultés comptables (méthodes d'évaluation des produits à recevoir et des dépréciations de créances sur les cotisants, traitement comptable des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants et des impôts et taxes recouvrés par l'Etat), ainsi que de faiblesses du contrôle interne (pour lesquelles l'ACOSS a engagé des chantiers importants) dans la plupart des processus de gestion des prélèvements sociaux dont sont redevables les employeurs de salariés et les organismes qui versent des revenus de remplacement.
Malgré de nouveaux progrès intervenus en 2012, la Cour constate la persistance d'insuffisances toujours marquées du contrôle interne pour deux flux financiers minoritaires dans l'ensemble des états financiers (cotisations d'accidents du travail - maladies professionnelles et prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, notamment des artisans et commerçants relevant du dispositif de l'interlocuteur social unique partagé avec le régime social des indépendants).
La Cour relève par ailleurs que, contrairement à l'annexe aux comptes de l'Etat, les annexes aux comptes des branches ne font pas état de leurs engagements à l'égard des titulaires de prestations sociales (pensions de retraite, pensions d'invalidité, rentes d'accidents du travail et maladies professionnelles, aides au logement...).
Les enjeux de la mission de certification confiée à la Cour des comptes
La certification des comptes du régime général de sécurité sociale par la Cour permet au Parlement et au Gouvernement d'appuyer leurs choix politiques et financiers sur des données auditées qui, sous réserve des observations exprimées par la Cour, reflètent correctement le résultat, le patrimoine et la situation financière du principal régime de sécurité sociale et de chacune des branches qui le composent.
Au-delà, la certification des comptes constitue une démarche de progrès qui concourt à sauvegarder les intérêts financiers de la sécurité sociale et à assurer la qualité du service rendu aux assurés sociaux. En effet, elle conduit les organismes de sécurité sociale à identifier les risques liés à leurs activités qui ont une incidence sur les données comptables et à engager des actions destinées à en assurer la maîtrise.
A ce titre, les branches et l'activité de recouvrement du régime général renforcent les dispositifs de contrôle interne qui concourent à assurer l'exhaustivité et la correcte affectation des prélèvements sociaux aux organismes qui en sont les attributaires, à verser les prestations sociales à hauteur des sommes effectivement dues à leurs bénéficiaires et à lutter contre les fraudes aux prélèvements et aux prestations, internes comme externes.
La France est l'un des rares Etats de la zone euro qui se soit engagé depuis 2006 dans une démarche de certification des comptes de ses administrations publiques, dont celles de sécurité sociale, lesquels sont établis selon des principes voisins, voire souvent identiques, à ceux applicables à des entreprises.
Le fait que la Cour, auditeur externe indépendant, puisse s'assurer de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes du principal régime de sécurité sociale constitue un atout pour les finances publiques de la France, tout particulièrement dans la situation économique et financière actuelle.