Au moment où s’égrènent dans la chaleur ouatée du CNIT des contrevérités manifestes, il tombe à point pour poser un diagnostic sans état d’âme et d'une rare indépendance sur une crise majeure de la filière photovoltaïque.
Madame la Ministre,
Pour justifier le décret de moratoire qui prononce la mise en faillite de la filière solaire, vous avancez 5 arguments qui sont autant de contre-vérités colportées depuis trop longtemps.
1°/ 90 % des panneaux installés en France sont chinois : IMPOSSIBLE
La puissance installée totale au 30 septembre 2010 était de 614 MWc (source ERDF). La capacité de production française de panneaux était de 191 MWc à fin 2009 (source syndicat français des producteurs de panneaux). Si comme vous le prétendez 90 % des panneaux installés en France viennent de Chine où passent les panneaux français ? La France serait-elle devenue exportateur de panneaux sans que vos services du commerce extérieur ne l’aient remarqué ? Non, tout simplement les panneaux français sont installés sur notre sol national. Ainsi en septembre 2010 sur 166 MWc de fermes au sol 21 % étaient équipées de panneaux français (source le journal du photovoltaïque) et 20 % des toitures de plus de 100 kWc le sont aussi (même source). Et vous noterez que ces chiffres ne prennent en compte ni les panneaux de nos partenaires européens … ni les 70 MWc installés avec des panneaux américains Firstsolar !
2°/ le photovoltaïque serait à l’origine de 2% du déficit de la balance commerciale française : IMPOSSIBLE
Le déficit de la balance commerciale française s’élève à 50,7 milliards sur les 12 derniers mois, vos services estiment donc le déficit du photovoltaïque à plus de un milliard. Au prix des panneaux chinois (1,2 €/Wc) ce sont 845 MWc de panneaux chinois qui auraient été importés en 2009. Or en 2009 le marché français était inférieur à 300 MWc !
3°/ Sur l'absence de créations d'emplois : FAUX
Plus de 24.000 emplois directs ont été créés par la filière photovoltaïque en moins de 5 ans dont 6.700 dans la filière industrielle (source Soler). Quand bien même la totalité des onduleurs et panneaux serait importée (ce qui nous l’avons vu est loin d’être le cas) la part des coûts d’installation réinjectée dans l’économie française via la main d’œuvre et les systèmes d'intégration est de 22 % pour les petites toitures, de 30 % pour les toitures professionnelles et de 43 % pour les fermes au sol (source Exosun - Nov. 2010). La croissance progressive de notre capacité de production de panneaux nous permet d’estimer qu’aujourd’hui, plus de la moitié des investissements photovoltaïques est réinjectée dans l’économie française. Ces retours iront croissant au fur et à mesure que le prix des panneaux diminuera. Au-delà du déploiement des générateurs, le dispositif de tarif d'achat finance également les 20 ans d'exploitation des installations, les exploitants étant des particuliers et des PME françaises qui consomment et embauchent en France.
4°/ Sur les objectifs du Grenelle qui seraient en passe d'être atteints : FAUX
Pour atteindre l'objectif de 23 % d'ENR à horizon 2020 la France doit mettre en ligne chaque année des moyens permettant la production de 16 TWh d’énergie finale. Si le photovoltaïque est plafonné à 500 MW, on ne réalise que 3 % de l'objectif. Avec 1000 MW d’éolien nous réalisons 15 % complémentaires. Avec 300 MW de biomasse nous ferons 10 % de plus. D’où vont venir les 72 % manquants alors que le marché des pompes à chaleur et du solaire thermique sont orientés à la baisse (source RTE) ? De la géothermie, des chauffages à bois des particuliers ou des biocarburants. Absurde.
5°/ Sur le coût du solaire qui entraîne l'augmentation de 5% de la facture d'électricité : IMPOSSIBLE
Pour 2010, la Commission de Régulation de l'Energie rappelle que le financement des énergies renouvelables (en grande partie pour l’éolien) pèse pour 24 % dans la CSPE quand la cogénération gaz pèse 32 % et la péréquation tarifaire 41%. Historiquement, ce sont bien la péréquation tarifaire et la cogénération gaz qui captent la plus grande partie de la CSPE. Et la décision récente de votre gouvernement de modifier les paramètres de calcul du Tarif de Première Nécessité ne fait que renforcer la charge de la première.
Un simple calcul démonte que : si aujourd'hui 1 GWc étaient raccordés avec une productivité moyenne de 1000 kWh/kWc/an (source ADEME), la production annuelle photovoltaïque serait de 1 TWh. Si l'ensemble de cette production était acheté au tarif intégré le plus élevé de 60 c€/KWh, le prix de gros étant de 43 €/MWh, la facture annuelle à imputer sur la CSPE serait de 0,57 Md€.
Les ventes annuelles d'électricité aux seuls "petits sites" (particuliers et professionnels en tarif bleu) ont été en 2009 de 22,5 Md€ (sources RTE et CRE). Aujourd'hui, le coût du photovoltaïque représente au maximum 2,5% (majorant absolu) des ventes au tarif règlementé pour les petits consommateurs.
Or, on sait qu'il y a nombre d'installations non intégrées, soit au sol, soit en toiture hors métropole ; on néglige les baisses de tarif appliquées depuis janvier 2010 et on considère que seuls les petis consommateurs (qui représentent seulement 42% de la consommation nationale) contribuent au financement. Enfin, sur la facture finale d'électricité du consommateur (Tarif bleu), il faudrait également réintégrer la part actuelle de la CSPE hors photovoltaïque, ainsi que la CTA (Contribution Tarifaire d'Acheminement) et enfin le prix de l'abonnement.
Au final, l'augmentation réelle de la facture d'électricité pour le consommateur n'est peut-être même pas supérieure à 1%... (le peut-être est de trop, on le sait ou bien non ?)